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de ma course, mes idées se pressent en telle multitude et véhémence, que déjà il me faudrait un nouveau livre pour raconter ce que je découvre, et qu’en dépit de la convenance oratoire je ne vois d’autre moyen de finir que de m’arrêter brusquement.

Si je ne me trompe, le lecteur doit être convaincu au moins d’une chose, c’est que la vérité sociale ne peut se trouver ni dans l’utopie, ni dans lu routine ; que l’économie politique n’est point la science de la société, mais qu’elle contient les matériaux de cette science, de la même manière que le chaos avant la création contenait les éléments de l’univers ; c’est que, pour arriver à l’organisation définitive qui paraît être la destinée de notre espèce sur le globe, il ne reste plus qu’à faire équation générale de toutes nos contradictions.

Mais quelle sera la formule de cette équation ?

Déjà il nous est permis de l’entrevoir : ce doit être une loi d' échange, une théorie de mutualité, un système de garanties qui résolve les formes anciennes de nos sociétés civiles et commerciales, et satisfasse à toutes les conditions d’efficacité, de progrès et de justice qu’a signalées la critique ; une société non plus seulement conventionnelle, mais réelle ; qui change la division parcellaire en instrument de science ; qui abolisse la servitude des machines, et prévienne les crises de leur apparition ; qui fasse de la concurrence un bénéfice, et du monopole un gage de sécurité pour tous ; qui, par la puissance de son principe, au lieu de demander crédit au capital et protection à l’état, soumette au travail le capital de l’état ; qui par la sincérité de l’échange crée une véritable solidarité entre les peuples ; qui, sans interdire l’initiative individuelle, sans prohiber l’épargne domestique, ramène incessamment à la société les richesses que l’appropriation en détourne ; qui, par ce mouvement de sortie et de rentrée des capitaux, assure l’égalité politique et industrielle des citoyens, et par un vaste système d’éducation publique, procure, en élevant toujours leur niveau, l’égalité des fonctions et l’équivalence des aptitudes ; qui, par la justice, le bien-être et la vertu, renouvelant la conscience humaine, assure l’harmonie et l’équilibre des générations ; une société, en un mot, qui, étant tout à la fois organisation et transition, échappe au provisoire, garantisse tout et n’engage rien

La théorie de la mutualité ou du mutuum, c’est-à-dire de l’échange en nature, dont la forme la plus simple est le prêt