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ajoute toujours quelques instants à notre tâche, quelques grains à notre fardeau. De deux choses l’une : ou l’humanité doit devenir par le travail une société de saints, ou bien, par le monopole et la misère, la civilisation n’est qu’une immense priapée. Au train dont vont les choses, et à moins d’une réforme qui change intégralement les conditions du travail et du salaire, toute augmentation de labeur, partant tout accroissement de richesse, nous sera bientôt devenu impossible. Longtemps avant que la terre nous manque, notre production s’arrêtera : le paupérisme et le crime croîtront toujours,

Dans la plupart des pays civilisés, la moyenne du travail est déjà de douze heures. Or, pour que la population se double, il faut à la société une production quadruple, par conséquent une dépense de force aussi quadruple. Est-il possible que ce quadruplement ait lieu dans notre société inégale, avec les spoliations du monopole et la tyrannie de la propriété ? Que si cette augmentation de travail et de richesse, dans les conditions actuelles de l’économie sociale, est impossible, il est de toute nécessité que le travailleur, si l’on veut qu’il rende davantage, sorte de servitude. Mais, pour affranchir le travailleur de l’oppression où le retient la barbarie de ses facultés, il faut le discipliner par l’éducation, l’ennoblir par le bien-être, l’élever par la vertu. Or, qu’est-ce que la vertu ? qu’est-ce que le beau ? qu’est-ce que la discipline ? qu’est-ce que le travail ?… Nous tournons dans le cercle : mais ce cercle, c’est celui de l’humanité, c’est celui de la Providence. L’humanité atteint son équilibre par l’utile, le beau, le juste et le saint ; la question posée par l’Académie. Quelle influence les progrès et le goût du bien-être matériel exercent sur la moralité des peuples, est résolue avec les autres : il y a identité entre le bien-être et la vertu.