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nos usages ; parce qu’une colonie expédiée de toutes les nations avec lesquelles nous faisons des échanges, ne viendra pas se mettre aux lieu et place de nos trente-cinq millions d’habitants, rien ne sera changé suivant vous ! Les dépouilles du pays, revenues sous la forme de créances hypothécaires, auront divisé la nation en nobles et serfs, et nous n’aurons rien perdu ! L’effet du libre commerce aura été de renforcer et d’accroître l’action des machines, de la concurrence, du monopole et de l’impôt ; et quand la masse des travailleurs vaincus, grâce à l’invasion étrangère, aura été livrée à la merci du capital, elle devra garder le silence ; quand l’état obéré n’aura plus pour ressource que de se vendre et de prostituer la patrie, il faudra qu’il s’humilie devant le génie sublime des économistes !

Est-ce que j’exagère, par hasard ? Ne sait-on pas que le Portugal, pays libre politiquement, pays qui a son roi, son culte, sa constitution, sa langue, est devenu, par le traité de Méthuen et le libre commerce, une possession anglaise ? L’économiste anglican nous aurait-il déjà fait perdre le sens de l’histoire ; et serait-il vrai, pour emprunter le style figuré d’un défenseur du travail national, que le Bordelais veuille ouvrir de nouveau la France à l’Anglais, comme il fit jadis sous Éléonore de Guienne ? Serait-il vrai qu’une conspiration existe dans notre pays pour nous vendre à l’aristocratie banquière de l’Europe, comme les marchands du Texas ont vendu récemment leur pays aux États-Unis ?

« La question du Texas, » ceci est extrait de l’un de nos journaux les plus accrédités et les moins suspects de préjugés prohibitionnistes, « était au fond une question d’argent. Le Texas avait une dette fort considérable pour un pays sans ressources L’état avait pour créanciers presque tous ses citoyens influents ; et l’objet principal de ceux-ci était de se faire rembourser de leurs créances, peu leur importait par qui. Ils ont négocié de l'indépendance du pays, n’ayant autre chose à vendre. Les États-Unis leur ont toujours paru bien plus en état de payer que le Mexique ; et s’ils avaient consenti tout d’abord à prendre à leur charge les dettes du Texas, l’annexion aurait été depuis longtemps un fait accompli. » (Constitutionnel, 2 août 1845.)

Voilà ce qu’eût voulu empêcher M. Guizot, et ce qu’il ne sut expliquer à la tribune, lorsque l’opposition vint lui demander compte de ses négociations relativement au Texas. Quel effroi ce ministre eût jeté parmi sa majorité bouti-