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mence à perdre la poésie et la vivacité de sentiment, la délicatesse, la grâce et la pureté de formes qui distinguèrent sa jeunesse, le changement survenu dans tout son être lui commande de renoncer à l’amour. La beauté, qui lui rendait tout chaste, venant à s’effacer, la volupté se dégrade et tourne à la turpitude. Pourquoi l’amour des vieillards est-il ridicule et dégoûtant ? c’est qu’il est privé des conditions qui le rendent esthétiquement légitime : réalisé dans des sens flétris, ce n’est plus l’amour, c’en est la charge. Qu’Homère nous montre Paris et Hélène dormant ensemble sur leur lit suspendu, ils sont beaux malgré leur adultère : coupables d’injustice, la jeunesse, la grâce, l’esprit, semblent les couvrir encore d’un voile d’honnêteté. Mais Saturne et Rhée, Deucalion et Pyrrha, David et Abisag, me révoltent : le titre d’époux n’y fait rien, ils sont obscènes…

L’homme perd ses droits de mari, dès que l’amour devient en lui une contradiction. Que sa femme lui soit sacrée ! qu’ils se regardent l’un l’autre comme de purs esprits : car en vérité, ils n’ont plus de corps. Si l’homme persiste à goûter des voluptés que la dégradation de ses sens lui interdit, il brûlera le reste de ses jours d’une flamme impudique ; ses amours posthumes le rendront odieux à sa femme, feront rougir ses enfants, et soulèveront contre lui le mépris de tous. Sa vieillesse licencieuse sera déshonorée. Sa femme, devenue altière par ses exigences honteuses, les traitera en esclave ; sa raison s’éteindra dans l’ignominie.

Justice, pudeur, dignité, tout fait ici au père de famille une loi de l’abstinence. Or, ce que la raison a prévu, le travail, sans attendre l’épuisement de la nature, l’accomplit. L’homme chez qui le long travail a développé la vertu, l’homme en qui l’amour, affranchi de la tyrannie des passions, s’identifie avec le beau, renonce de lui-même, sans effort et sans regret, avec le même charme qui autrefois les lui rendit chers, à des plaisirs qui offenseraient sa délicatesse, et qui n’ont plus d’intérêt pour lui que comme un bien réservé à ses enfants

D’après ces principes, le mariage ayant lieu pour l’homme à 28 ans révolus, pour la femme à 21 ; l’usage des nourrices disparaissant dans l’égalité ; la durée de l’allaitement étant réduite à 15 ou 18 mois ; la période de fécondité pouvant aller de 10 à 15 années, le nombre des enfants issus d’un même mariage s’élèverait difficilement au-dessus de cinq.

Si l’on déduit de ce nombre :