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corrigent sur ce point l’aberration de la loi. On se marie quand on est homme et qu’on gagne de quoi vivre : il ne vient à l’idée de personne qu’un ajournement, nécessaire pour compléter l’éducation et que doit remplir une recherche pleine de charmes, soit une privation.

Or si, relativement à l’époque du mariage, le sens commun n’a pas cru qu’une latitude donnée par la nature fût un ordre, peut-on dire que la même latitude, prise en sens opposé, soit une loi, et qu’il y ait obligation pour l’homme, une fois marié, d’exercer sa faculté prolifique jusqu’à extinction de chaleur vitale ?…

L’accroissement possible de la population, dit très-bien le docteur Loudon, n’est pas la même chose que son accroissement naturel ; tout de même la durée de la puissance génératrice n’est pas nécessairement la mesure de son action. Chez les animaux les sexes se fuient pendant la gestation et l’allaitement ; l’homme a une loi qui lui est propre, loi plus en rapport avec sa dignité, c’est l’adolescence de ses enfants. J’ai dit tout à l’heure que le respect des enfants faisait aux parents un devoir de s’abstenir : des considérations plus graves encore viennent confirmer cette loi.

Et d’abord, vis-à-vis des enfants, la justice.

L’homme, dès avant la puberté, peut se rendre utile ; l’éducation n’est à proprement parler qu’un échange des leçons du maître contre les services de l’apprenti, services qui, devenant toujours plus grands, servent à la fois à récompenser les soins du maître, et à couvrir les avances des parents. Ainsi le veut la raison populaire qui, dans le contrat d’apprentissage, nous révèle les vrais principes de l’enseignement. Tant que l’enfant ne produit rien, que sa subsistance tout entière est à la charge de son père, il n’a vis-à-vis de lui aucun droit ; il ne peut se plaindre qu’on lui suscite des copartageants. Mais dès qu’il devient capable de travail, lui donner des frères à l’entretien desquels il contribue, c’est exiger de lui plus qu’il n’a reçu, c’est le faire père de ceux qu’il n’a point engendrés, c’est l’expulser de la famille. Il est donc une limite naturelle, indiquée par la justice, à la procréation des enfants : ce motif, déduit de la théorie de l’apprentissage, est souverain.

Du côté des époux, la chasteté devient un devoir impérieux de modestie et d’honnêteté, C’est ici surtout qu’il faut distinguer la légitimité de convention d’avec la légitimité de raison. Lorsque vers la quarantième année l’homme com-