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qu’à présent par les économistes, et que le socialisme à plus forte raison n’a eu garde de voir : c’est, comme je viens de dire, l’aggravation du travail.

Dans une société organisée, la somme de travail, bien qu’elle semble diminuer toujours par la division, les machines, etc., augmente continuellement au contraire pour le travailleur collectif et pour chaque individu, et cela, par le fait même et en raison du développement économique. En sorte que, plus, par la science, l’art et l’organisation, l’industrie se perfectionne, plus le travail augmente pour tout le monde en intensité et en durée (qualité et quantité) ; plus, par conséquent, la production relative diminue. Et l’on arrive à cette conséquence : Dans la société, multiplicité de produits est synonyme de multiplication de travail.

C’est ce que je vais tâcher de faire entendre.

Revenons, pour la dernière fois, à la théorie de Ricardo. Soient quatre qualités de terre, A, B, C, D, produisant, à égalité de frais et pour la même surface, A 120, B 100, C 80, D 60. Il est clair, si l’on compare entre eux les propriétaires et ces quatre différents terrains, que le premier est riche, le second aisé, le troisième joint les deux bouts, le quatrième est pauvre. Mais que signifie, par rapport à l’homme collectif, cette inégalité de fortunes ? C’est, d’une part, que la société, à mesure qu’elle a dû passer de la culture des terres de première qualité aux terres de qualités inférieures, s’est réellement appauvrie ; c’est, en second lieu, que pour conserver le bien-être qu’elle avait d’abord rencontré en exploitant la première espèce de cette terre, elle a dû inventer des moyens d’action qui, pour la même superficie de terrain, quelle que fût d’ailleurs la qualité du sol, permissent d’augmenter le produit. Or, non-seulement la société a vaincu la misère que lui suscitait la qualité inégale des terres, elle a augmenté encore son capital et son bien-être primitif ; elle l’a augmenté, ce bien-être, non-seulement pour les travailleurs qui firent les premiers défrichements, mais pour tous ceux qui vinrent à leur suite. Il faut donc que l’homme ait suppléé à fur et mesure à l’inertie du sol, qu’il ait fait passer dans la matière une quantité toujours plus grande de sa substance ; il faut, en un mot, qu’il ait fourni toujours plus de travail. De quelque manière que l’on considère la chose, le bien-être s’étant accru malgré la stérilité croissante de la terre et la multiplication des consommateurs, la somme de travail s’est aussi nécessairement accrue pour la société et