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puissant que sa cause. En autres termes, quelles que soient les oscillations des valeurs échangeables dans les deux pays considérés respectivement ; que les salaires, la houille, le fer, etc., viennent à hausser en A, pendant qu’ils baisseront en B, il est évident que le soi-disant bon marché qui règne en B, ne peut jamais faire concurrence à la cherté prétendue qui se manifeste en A, puisque le premier est le résultat de la seconde, et que les industriels de A restent toujours maîtres du marché.

En effet, les salaires, c’est-à-dire tous les produits quelconques, ne peuvent jamais en A forcer la demande des entrepreneurs qui en font pour le pays l’exportation, demande qui se règle à son tour sur l’état du marché de B. D’autre part, la baisse occasionnée en B ne peut jamais devenir pour les exploitants de ce pays un moyen de lutter contre leurs concurrents de A, puisque cette baisse est le résultat de l’importation, non des ressources naturelles du sol. Il en est à cet égard du pays importateur comme d’une horloge dont le poids est arrivé au bas, et qui, pour marcher, attend qu’une force étrangère la remonte. M. Bastiat, en identifiant l’argent avec les autres espèces de marchandises, a cru trouver le mouvement perpétuel : et comme cette identité n’est pas vraie, il n’a rencontré que l’inertie.

« Dans ces circonstances, continue notre auteur, l’industrie aura toutes sortes de motifs, des motifs, si je puis le dire, portés à la quatrième puissance, pour déserter A et venir s’établir en B. Ou pour rentrer dans la vérité, disons qu’elle n’aura pas attendu ce moment ; que les brusques déplacements répugnent à la nature, et que dès l’origine, sous un régime libre, elle se sera progressivement partagée et distribuée entre A et B, selon les lois de l’offre et de la demande, c’est-à-dire selon les lois de la justice et de l’utilité. »

Cette conclusion serait sans réplique, n’était l’observation que nous avons glissée entre la cherté nominale de A, et le bon marché réel de B. M. Bastiat ayant perdu de vue le rapport de causalité qui rend la mercuriale de celui-ci dépendante de la mercuriale de celui-là, s’est imaginé que les métaux précieux iraient se promener d’A en B, et de B en A, comme l’eau dans le niveau, sans autre but, sans autre conséquence, que de rétablir l’équilibre et de combler des vides. Que ne disait-il, ce qui eût été plus clair et plus vrai : Quand les ouvriers de B verront leur salaire se réduire et leur travail diminuer par l’importation des marchandises de