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une baliverne dont la réfutation ferait honte à la critique.

Mais il est un reproche plus grave à faire à la solution fouriériste du problème de la population : c’est son esprit avoué d’immoralité, sa tendance hautement désorganisatrice et antisociale. Je n’examine pas si la méthode d’engraissement, qui n’est autre, selon moi, que la généralisation d’un cas pathologique, aurait l’efficacité qu’on suppose : la physiologie n’est pas de mon ressort, j’admets l’hypothèse.

En cherchant, au chapitre XI, quel était le rôle et la destination de la propriété, nous avons découvert, comme son trait distinctif et signalétique, la constitution de la famille. Le fouriérisme se pose en défenseur de la propriété : or, non seulement le fouriérisme ne sait rien ni des causes, ni de l’objet de la propriété ; il nie ces causes, il veut les abolir. Le fouriérisme est la négation du ménage, élément organique de la propriété ; de la famille, âme de la propriété ; du mariage, image de la propriété transfigurée. Et pourquoi le fouriérisme abolit-il toutes ces choses ? Parce que le fouriérisme n’admet que le côté négatif de la propriété ; parce qu’à la place de la possession normale et sainte, manifestée par le mariage et la famille, le fouriérisme poursuit de tous ses vœux, de tous ses efforts, la prostitution intégrale. C’est tout le secret de la solution fouriériste du problème de la population. Il est prouvé, dit Fourier, que les filles publiques ne deviennent pas mères une fois sur des millions : au contraire, la vie de ménage, les soins domestiques, la chasteté conjugale, favorisent éminemment la progéniture. Donc l’équilibre de la population est trouvé si, au lieu de nous assembler par couples et de favoriser la fécondité par l’exclusion, nous devenons tous prostitués. Amour libre, amour stérile, c’est tout un… À quoi bon dès lors le ménage, la monogamie, la famille ? Faire du travail une intrigue, de l’amour une gymnastique, quel rêve ! et c’est celui du phalanstère !…

Le socialisme, ainsi que l’économie politique, a trouvé à la fois, sur le problème de la population, la mort et l’ignominie. Le travail et la pudeur sont des mots qui brûlent les lèvres des hypocrites de l’utopie, et qui ne servent qu’à déguiser aux yeux des simples l’abjection des doctrines. J’ignore jusqu’à quel point les apôtres de ces sectes ont conscience de leur turpitude : mais je ne consentirai jamais à décharger un homme de la responsabilité de ses paroles, pas plus que de la responsabilité de ses actes…