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vivants, affecte l’espèce dans sa collectivité et dans sa vie par une souffrance solidaire : preuve encore une fois que l’humanité se meurt d’un mal inconnu, d’un mal qui vient de plus haut que le manque de subsistances. Nous dira-t-on une fois quel est ce mal ?

On oppose à ce fait la prolongation de la vie moyenne, que d’habiles statisticiens prétendent aussi avoir constatée. J’ai montré ce que cette prolongation, relativement au peuple, avait d’illusoire : je n’ajouterai qu’un mot, qui concilie et qui explique les deux observations. S’il est vrai, comme je le soutiens, que dans notre organisation propriétaire le paupérisme anticipe continuellement sur le travail, peu importe que cette anticipation se manifeste par des morts subites et prématurées, ou bien seulement par des douleurs précoces et longuement souffertes. Il serait donc possible, d’après cela, que le chiffre de la vie moyenne se soutînt, qu’il se relevât même, la misère grandissant toujours : car il s’agit bien moins ici de l’âge des morts que du temps qu’ils ont vécu sans maladie. Faut-il encore que nous apprenions aux économistes à comprendre leurs statistiques ?

Il est superflu d’accumuler plus de preuves. Les faits sont connus de tout le monde : chacun peut les interroger et en déduire les conséquences. L’anticipation de la misère, voilà le trait signalétique du régime propriétaire comme de l’état sauvage, le fait capital, universel, que j’oppose à Malthus, et qui met à néant sa théorie.

D’après les données de la science, confirmées par une masse imposante de faits, tandis que la population tend à s’accroître selon une progression géométrique dont la raison est 2, la production de la richesse, œuvre de cette population, tend à s’augmenter selon une progression géométrique dont la raison est 4. Dans la pratique, au contraire, ce rapport est renversé : tandis que la puissance d’accroissement de la population s’exprime invariablement par la progression géométrique 1. 2. 4. 8. 16. 32. 64...., la puissance d’accroissement de la production ne s’exprime plus que par la série arithmétique 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7....

Quoi donc ! économistes, vous osez nous parler de misère ! et quand on vous démontre, à l’aide de vos propres théories, que si la population se double la production se quadruple ; qu’en conséquence le paupérisme ne peut venir que d’une perturbation de l’économie sociale : au lieu de