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année pour 100 millions de produits anglais, et qu’elle réexpédie en Angleterre pour 90 millions des siens : 90 millions de marchandises françaises servant à couvrir 90 millions de marchandises anglaises, le surplus de celles-ci sera soldé avec de l’argent, sauf le cas où le solde se ferait en lettres de change tirées sur d’autres pays, ce qui sort de l’hypothèse. Ce sera donc comme si la France aliénait 10 millions de son capital, et à vil prix encore ; car, lorsque viendra l’emprunt, il est clair que peu d’argent sera donné contre une grosse hypothèque.

Autre erreur des économistes.

Après avoir mal à propos assimilé l’argent aux autres marchandises, les adversaires de la protection commettent une confusion non moins grave, en assimilant les effets de la hausse et de la baisse sur l’argent, aux effets de la hausse et de la baisse sur les autres espèces de produits. Comme c’est sur cette confusion que roule principalement leur théorie du libre commerce, il est nécessaire, pour éclairer la discussion, que nous remontions aux principes.

L’argent, avons-nous dit au chapitre II, est une valeur variable, mais constituée ; les autres produits, l’immense majorité du moins, sont non-seulement variables dans leur valeur, mais livrés à l’arbitraire. Cela signifie que l’argent peut bien varier sur une place dans sa quantité, de telle sorte qu'avec la même somme, on obtiendra tantôt plus tantôt moins d’une autre marchandise ; mais il reste invariable dans sa qualité, je demande pardon au lecteur d’employer si souvent ces termes de métaphysique, c’est-à-dire que malgré les variations de la proportionnalité de la marchandise monétaire, cette marchandise n’en reste pas moins la seule acceptable en tout payement, la suzeraine de toutes les autres, celle dont la valeur, par un privilège temporaire si l’on veut, mais réel, est socialement et régulièrement déterminée dans ses oscillations, et dont par conséquent la prépondérance est invinciblement établie.

Supposez que le blé montât tout à coup et se soutînt un certain temps à un prix extraordinaire, pendant que l’argent descendrait au tiers ou au quart de sa valeur : s’ensuivrait-il que le blé prendrait la place de l’argent, qu’il mesurerait l’argent, qu’il pourrait servir à acquitter l’impôt, les effets de commerce, les rentes sur l’état, et liquider toutes les affaires ? Assurément non. Jusqu’à ce que, par une réforme radicale dans l’organisation industrielle, toutes les valeurs