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de l’économie politique, la couronne de la propriété, l’allégorie du travail et de la famille. L’humanité se consume et périt par l’exercice de ses facultés vivifiques ; s’il pouvait y avoir un terme à son suicide, elle cesserait d’exister.

Lors donc que la théorie économique, suivant de loin l’expérience, a prononcé le mot de misère, elle a exprimé par ce mot la loi intime de notre développement, l’essence de notre être, la forme de notre vie. Accroissement rapide de la population, accroissement plus lent des subsistances, sont les deux faces d’une même idée, d’un seul et unique phénomène. C’est la formule mystérieuse d’une loi aussi certaine que toutes celles qui président aux mouvements des corps célestes, d’une loi par conséquent inflexible et immiséricordieuse comme une équation d’algèbre. Combien, à ce point de vue, la plainte du misérable et les palliatifs du philanthrope nous doivent sembler puérils, mesquins ! La fatalité nous fait vivre, la fatalité nous emporte ; le plaisir qu’elle nous donne, elle se le fait payer : qu’avons-nous à crier et à gémir ? et que nous veulent ces économistes qui, incapables de saisir le lien de leurs propres idées, tantôt nous disent de produire davantage, tantôt nous recommandent de faire moins d’enfants ; comme si ces deux formes de la génération humaine n’étaient pas irrévocablement enchaînées l’une à l’autre, et qu’il y eût avantage à remplacer par la misère de notre prévoyance, la misère qui résulte pour nous de l’imprévoyance de la nature !…

Mais, me dira-t-on, sans doute il n’y aurait rien à répliquer à la double loi de Malthus, et nous n’élèverions aucune plainte, nous adorerions en silence l’arrêt de la fatalité économique, si cette inégalité du développement humanitaire en population et en richesse était d’une irréprochable certitude, si elle portait le caractère d’une idée complète et définitive, tel qu’il convient à une idée vraie ; si cette loi, en un mot, n’était pas une évidente contradiction. Or, le principe de Malthus tombe manifestement dans le cas de toutes les antinomies ; et, d’après vos propres principes, d’après cette théorie des contraires réputée infaillible, l’antagonisme du progrès dans la population et la production prouve uniquement qu’il existe un principe d’équilibre, et que ce principe, c’est à la science de le découvrir.

Quoi ! l’homme seul entre les animaux, par la distinction la plus glorieuse, aurait été créé travailleur ; la Providence lui aurait commandé de posséder la terre, de s’organiser par