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permettez que je vous renvoie aux théories du monopole, du crédit et de la propriété.

Maintenant, le but de la famille n’est-ce pas la progéniture ? Cette progéniture n’est-elle pas l’effet nécessaire du développement vital de l’homme ? n’est-elle pas en raison de la force acquise, et pour ainsi dire accumulée dans ses organes par la jeunesse, le travail et le bien-être ? Donc, c’est une conséquence inévitable de la multiplication des subsistances, de multiplier la population ; donc, enfin, la proportion relative des subsistances, loin de s’accroître par l’élimination des bouches inutiles, tendrait invinciblement à diminuer, s’il est vrai, comme j’espère le démontrer bientôt, qu’une semblable élimination ne puisse s’effectuer que par la destruction de la famille, objet suprême, condition sine quâ non du travail.

Ainsi la production et la population sont l’une à l’autre effet et cause ; la société se développe simultanément, et en vertu du même principe, en richesse et en hommes : dire qu’il faut changer ce rapport, c’est comme si dans une opération où le dividende et le diviseur croîtraient et diminueraient toujours en raison égale, vous parliez de doubler le quotient. Que prétendez-vous ? Que les jeunes gens cessent de faire l’amour ; que le prolétaire ne se marie qu’à cinquante ans, ou plutôt jamais, et que la famille soit un privilège ? En ce cas, prenez d’efficaces mesures pour la garde de vos propriétés, doublez le nombre de vos soldats, augmentez celui des filles publiques, créez des primes pour la prostitution, poussez à la polygamie, à la phanérogamie, voire même à la sodomie, à toutes les espèces d’amours que le préjugé réprouve, mais que la science doit accueillir, en considération de leur stérilité. Car avec la famille il est impossible d’arrêter le progrès de la misère, par la raison même qu’il est impossible d’arrêter le progrès de la richesse : ces deux termes sont enchaînés l’un à l’autre par l’indissoluble lien du mariage ; il y a contradiction à les vouloir séparer.

Ainsi la misère est une chose mystique et nécessaire, une chose dont nous ne concevons ni la présence ni l’absence ; le mal comme le bien est un des principes de l’univers : nous voilà dans le manichéisme !

Mais enfin comment s’exprime le mal dans la société ? quelle est la formule de la misère ?

Malthus, s’appuyant sur une masse de documents authentiques, a prouvé en premier lieu que la population, si elle ne rencontrait aucun obstacle, tel par exemple que le manque