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parce que la communauté, c’est la forme du prolétariat.

Oui, vous êtes dans le vrai, M. Rossi, lorsque, recommandant aux pauvres, et seulement aux pauvres, la mise en commun de certaines dépenses, vous donnez à entendre que si le principe de la réduction des frais est un instrument puissant d’économie, il est dans une mesure égale un instrument invincible de misère. Qui ne voit en effet que cette théorie, cet art de réduire indéfiniment le prix des choses, n’est autre, dans le système de la communauté, comme dans celui de la propriété, que la négation même de la richesse ?

Ce que la société cherche dans la réduction des frais, c’est l’économie du prix de revient, non par motif d’accumulation stérile, mais en vue d’une création nouvelle, c’est-à-dire d’une production et d’une consommation toujours plus grande. La propriété, au contraire, n’y voit qu’un moyen d’étendre infiniment sa domination exclusive et jalouse, et de créer autour d’elle le désert et le vide. C’est ce qui a donné lieu à la distinction du produit net et du produit brut, le premier exprimant le bénéfice, c’est-à-dire l’exclusion propriétaire ; le second indiquant le bien-être collectif. Ainsi les propriétaires de l’agro romano, dont Sismondi a fait une si lamentable peinture, et qui pourrait nourrir trois ou quatre cent mille habitants, ont trouvé qu’il y avait plus de profits pour eux à mettre la terre en pâture qu’à la faire labourer : comme les industriels, leur avantage consiste à se passer d’ouvriers. Ils ne se posent pas pour problème : Faire produire et consommer le plus possible, par le plus grand nombre possible d’hommes, ce qui est vraiment le problème économique ; ils prennent pour règle cette maxime antisociale, Réaliser le plus grand produit net possible, c’est-à-dire, éliminer autour d’eux le travail et le salaire.

La communauté, s’emparant de cette routine propriétaire avec le fanatisme qui la distingue, raisonne exactement comme la propriété : elle ne voit dans la théorie de la réduction des frais qu’un moyen de diminuer le travail pour tout le monde, sans s’apercevoir qu’une pareille diminution n’aurait point de terme, et aboutirait nécessairement à l’inaction, à l’indigence absolue.

l’omnibus à coup sûr est un véhicule économique, tout à fait dans le goût communiste. Supposons la société assez riche pour donner à chaque famille cheval et cabriolet : quelle serait la raison d’existence, et que signifierait l’économie de l’omnibus ? N’est-il pas sensible que, malgré son