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« J’ai montré dans mon Cours d’Économie politique, dit M. Rossi, comment chaque famille d’ouvriers pouvait améliorer sa condition par un système équitable de secours mutuels et de dépenses en commun : c’est là ce qu’il est raisonnable de demander à l’esprit d’association et de confraternité. Dans ces limites (dans les limites de l’indigence), l’exemple des communautés religieuses, des monastères, est très-bon à proposer. Car l’isolement est funeste à ceux qui ont très-peu à dépenser, à ceux qui ne peuvent pas faire d’avances, acheter leurs provisions en gros et en temps utile, consacrer beaucoup de soins, beaucoup de temps à leur économie domestique. La multiplication des ménages pour les pauvres est une duperie ; et sans rêver une vie absolument commune, qui ne convient pas à des hommes ayant femmes et enfants, et qui tendrait à détruire l’esprit de famille, il est une communauté partielle, une communauté d’achats, d’approvisionnements, de chauffage, de repas, de secours, qui n’a rien d’impossible ni d’immoral, et qui ne passe nullement par ses combinaisons, l’intelligence des classes laborieuses. Si, au lieu de prêter l’oreille aux rêveries des hommes à systèmes, elles ne prennent conseil que de leur équité et de leur bon sens naturel, elles pourront multiplier et étendre sans peine les essais déjà réalisés dans cet ordre de faits. Cela ne fait point de bruit, cela ne fait point d’éclat, et n’a pas besoin, pour s’accomplir, d’un Josué qui arrête le cours de la société ; mais aussi sont-ce là des voies qui ne conduisent pas à la cour d’assises, ni à Charenton. Des associations volontaires, temporaires, de cinq, six, dix familles, plus ou moins, pour mettre en commun, non leur travail, non leur vie tout entière, non ce qu’il y a de plus personnel dans l’homme et de plus intime dans la famille, mais une partie de leurs gains, de leurs dépenses, de leur consommation, de leur vie domestique, matérielle et extérieure, dans une vue de secours mutuel, ne seraient pas seulement pour les travailleurs un moyen de bien-être, mais un moyen d’éducation et de moralité... »

L’avez-vous entendu ? La communauté, comme application de la théorie de réduction des frais généraux, n’est admissible que dans les limites de la misère, n’est bonne que pour le pauvre ; encore n’y doit-il mettre ni son travail, ni sa vie entière, ni sa famille, ni sa liberté, ni son gain, mais seulement une partie de sa dépense. Mais, une fois mis à l’aise par l’épargne, fuyez, vous dit-il, la communauté,