Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/299

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui lui est due, je regarde comme un devoir de déclarer ici qu’en fait d’opinions religieuses je ne connais personne de plus pur et de plus irréprochable que l’auteur de l’Histoire des idées sociales, le restaurateur de Morelly, le traducteur de Campanella ; et qu’il est impossible de s’exprimer sur le compte de Dieu avec plus de liberté et moins de prévention que vous ne faites, mon cher Villegardelle. S’ensuit-il, parce que le communisme compte en vous un esprit fort, que le communisme soit exempt de superstition ?

La communauté, vous l’avez le premier reconnu, mon cher Villegardelle, est en progrès ; c’est-à-dire que plus les temps de la communauté s’éloignent, plus les utopistes qui la rappellent s’efforcent, par d’incessantes modifications, de la faire revenir ; comme les théoriciens de la propriété, à mesure que l’expérience la condamne, s’efforcent de l’améliorer et de la rendre accommodante. Ainsi, la rétrogradation du communisme n’est, pour ainsi dire, marquée qu’en théorie ; le progrès de la propriété, au contraire, s’exprime à la fois dans la théorie et dans la pratique. Mais, dès lors qu’il y a progrès, il y a nécessairement transformation, avènement de l’idée positive et synthétique, par conséquent élimination de l’idée mythologique, abolition de la foi religieuse. À ce premier caractère, il est impossible de ne pas reconnaître dans la communauté, comme dans la propriété, une religion.

Les faits viennent à l’appui de ce préjugé légitime.

Un épais brouillard de religiosité pèse aujourd’hui sur toutes les têtes réformistes, soit qu’elles prêchent la réforme afin de conserver mieux, comme les dynastiques et les économistes ; soit qu’elles veuillent d’abord tout détruire afin de tout recréer, comme les communistes. Votre ami Cabet, persiflant le paradis et le Père éternel, vante néanmoins la fraternité comme l’essence de la religion, l’appelant céleste et divine ; et nous avons vu quel profond mystère c’est chez lui que la fraternité. M. Pecqueur, déclarant impies toutes les religions positives (qu’est-ce qu’une religion négative ?), nomme sa communauté République de Dieu. Nous avons ensuite les néochrétiens et les antichrétiens ; ceux-ci, d’après P. Leroux, sont les saint-simoniens et fouriéristes. La démocratie semi communiste s’en tient à la confession de Robespierre, Dieu et l’immortalité de l’âme. Le National, organe avancé du juste-milieu, fait des homélies sur les intérêts spirituels du peuple : c’est la question où il montre le moins d’esprit. Les