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La communauté, c’est la propriété ! Ceci ne se comprend plus, et pourtant c’est indubitable : vous allez voir.

De tous leurs préjugés inintelligents et rétrogrades, celui que les communistes caressent le plus est la dictature. Dictature de l’industrie, dictature du commerce, dictature de la pensée, dictature dans la vie sociale et la vie privée, dictature partout : tel est le dogme qui plane, comme la nuée sur le Sinaï, sur l’utopie icarienne, La révolution sociale, M. Cabet ne la conçoit pas comme effet possible du développement des institutions et du concours des intelligences : cette idée est trop métaphysique pour son grand cœur. D’accord avec Platon et tous les révélateurs ; d’accord avec Robespierre et Napoléon ; d’accord avec Fourier, ce dictateur de la science sociale, qui n’a rien laissé à découvrir ; d’accord enfin avec M. Blanc et la démocratie de juillet, qui veut procurer le bonheur du peuple malgré lui, et donner au pouvoir la plus grande force d’initiative possible, M. Cabet fait venir la réforme par le conseil, la volonté, la haute mission d’un personnage, héros, messie et représentant des Icariens. M. Cabet se garde bien de faire naître la loi nouvelle des discussions d’une assemblée régulièrement issue de l’élection populaire : moyen trop lent, et qui compromettrait tout. Il lui faut un Homme. Après avoir supprimé toutes les volontés individuelles, il les concentre dans une individualité suprême, qui exprime la pensée collective, et, comme le moteur immobile d’Aristote, donne l’essor à toutes les activités subalternes. Ainsi, par le simple développement de l’idée, l’on est invinciblement amené à conclure que l’idéal de la communauté est l’absolutisme. Et vainement on alléguerait pour excuse que cet absolutisme sera transitoire ; puisque si une chose est nécessaire un seul instant, elle le devient à jamais, la transition est éternelle.

Le communisme, emprunt malheureux fait à la routine propriétaire, est le dégoût du travail, l’ennui de la vie, la suppression de la pensée, la mort du moi, l’affirmation du néant. Le communisme, dans la science comme dans la nature, est synonyme de nihilisme, d’indivision, d’immobilité, de nuit, de silence : c’est l’opposé du réel, le fond noir sur lequel le Créateur, Dieu de lumière, a dessiné l’univers.


§ X. — La communauté est la religion de la misère.


À ce mot de religion, et pour rendre à chacun la justice