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la mesure du travail devienne la mesure exacte du bien-être, et que le produit du travail soit comme une seconde et incorruptible conscience, dont le témoignage punisse ou rémunère, selon le mérite ou le démérite, chacune des actions de l’homme. Dressez une échelle ou tableau comparatif des valeurs, qui montre tout à la fois les oscillations antérieures et les oscillations futures, et au moyen de laquelle le producteur puisse toujours diriger ses opérations de la manière la plus avantageuse, sans craindre jamais ni surproduction ni désastre. Donnez, enfin, à toutes les valeurs une expression commune, déduite de leur comparaison avec l’une d’elles, et qui serve de mètre pour toutes les transactions. N’est pas sensible que dans de telles conditions le travailleur, livré à lui-même et jouissant de la plus complète indépendance, donnerait encore la plus parfaite garantie ?

Qu’on prenne, ensuite, toutes les mesures de prévoyance et de charité qu’appelle l’infirmité de la nature, et que l’honneur de l’humanité commande ; on n’aurait fait que suppléer par l’amour ce qu’aurait refusé le droit : et qui donc songerait à l’empêcher ? Mais qu’on se souvienne qu’un tel supplément tire toute sa moralité, et par conséquent sa possibilité, de la reconnaissance préalable du droit, et que sans la justice, sans une exacte définition du tien et du mien, la charité devient une exaction, et la fraternité est impossible.

Le règne de l’argent est la transition à cette démocratie des valeurs, fondement de la justice et de la fraternité. L’argent, et les institutions de crédit qu’il engendre, élevant à la dignité de numéraire les valeurs industrielles, ont fait baisser le chiffre de la criminalité ; l’argent et les institutions de crédit, ouvrant partout le débouché et facilitant la circulation, ont diminué les chances aléatoires, et augmenté, avec la sécurité, la bienveillance et le dévouement…

Pourquoi Dieu, au lieu de créer l’homme, un individu, a-t-il mis au monde l’humanité, une espèce ? Cette question intéresse le philosophe, à quelque opinion qu’il appartienne. Or, le communisme ne peut y répondre, parce qu’à son point de vue la création de l’humanité est absurde.

L’auteur d’Icarie, qui, soit préjugé de catholicisme, soit respect pour la coutume de l’Europe, a conservé, à l’exemple de Fénélon, la monogamie dans sa république, s’est compensé de cette exception sur d’autres points. M. Cabet crée partout l’immobilité, chasse la spontanéité et la fantaisie. L’art de la modiste, celui du bijoutier, du décorateur, etc.