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Le premier et le plus puissant ressort de l’organisation industrielle est la séparation des industries, autrement dite division du travail. La nature, par la différence des climats, a préludé à cette division et en a déterminé à priori toutes les conséquences ; le génie humain a fait le reste. Ainsi l’humanité ne satisfait à ses besoins généraux qu’en appliquant cette grande loi de division, de laquelle naît la circulation et l’échange. De plus, c’est de cette division primordiale que les différents peuples reçoivent leur originalité et leur caractère. La physionomie des races n’est point, comme on le pourrait croire, un trait indélébile conservé par la génération : c’est une empreinte de la nature, capable seulement de disparaître par l’effet de l’émigration et le changement des habitudes. La division du travail n’agit donc pas simplement comme organe de production, elle exerce une influence essentielle sur l’esprit et le corps ; elle est la forme de notre éducation autant que de notre travail. Sous tous ces rapports on peut dire qu’elle est créatrice de l’homme aussi bien que de la richesse, qu’elle est nécessaire à l’individu autant qu’à la société, et qu’à l’égard du premier, comme de la seconde, la division du travail doit être appliquée avec toute la puissance et l’intensité dont elle est susceptible.

Mais, appliquer la loi de division, c’est fomenter l’individualisme, c’est provoquer la dissolution de la communauté : il est impossible d’échapper à cette conséquence. En effet, puisque dans une communauté bien dirigée la quantité de travail à fournir par chaque industrie est connue, et le nombre des travailleurs également connu ; que d’ailleurs le travail n’est exigé de chacun que comme condition de salaire et garantie vis-à-vis de tous, quelle raison aurait la communauté de résister à une loi de nature, d’en restreindre l’action, d’en empêcher l’effet ? Et qu’aurait-on à répondre au citoyen qui viendrait faire cette proposition au gouvernement :

« La somme des services à fournir par le groupe dont je fais partie est 1,000 ;

» Le nombre des jours de travail pour l’année 300 ;

» Nous sommes 50 compagnons :

» Je prends l’engagement, et je prouve par le mémoire ci-annexé que ma proposition ne peut qu’être avantageuse, en toute manière, à la république ; je m’engage, dis-je, sous caution de la part qui me revient dans la consommation générale, à fournir jour par jour, mois par mois, année par