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gage et des lois ; développement des religions et des philosophies ; développement économique et industriel ; développement de la justice, par la force, la ruse et les conventions ; développement des sciences et des arts. Et le christianisme, qui embrasse toute religion, qui s’oppose à toute philosophie, qui s’appuie d’un côté sur la révélation, de l’autre sur la pénitence, c’est-à-dire qui croit à l’éducation de l’homme par la raison et l’expérience, le christianisme, dans son entier, est la symbolisation du progrès.

En face de cette idée sublime, féconde et hautement rationnelle du progrès, persiste et semble se raviver encore une autre idée, gigantesque, énigmatique, impénétrable à nos instruments dialectiques comme sont au télescope les profondeurs du firmament : c’est l’idée de Dieu.

Qu’est-ce que Dieu ?

Dieu est, hypothétiquement, l’éternel, le tout-puissant, l’infaillible, l’immuable, le spontané, en un mot, l’infini en toutes facultés, propriétés et manifestations. Dieu est l’être en qui l’intelligence et l’activité, élevées à une puissance infinie, deviennent adéquates et identiques à la fatalité même : Summa lex, summa libertas, summa necessitas. Dieu donc est par essence antiprogressif et antiprovidentiel : Dictum factum, voilà sa devise, sa seule et unique loi. Et comme en lui l’éternité exclut la providence, de même l’infaillibilité exclut l’aperception de l’erreur, et par conséquent l’aperception du mal : Sanctus in omnibus operibus suis. Mais Dieu, par sa qualité d’infini en tout sens, acquiert une spécification propre, par conséquent une possibilité d’existence résultant de son opposition à l’être fini, progressif et providentiel, qui le conçoit comme son antagoniste. Dieu, en un mot, n’ayant dans son concept rien de contradictoire, est possible, et il y a lieu de vérifier cette hypothèse involontaire de notre raison.

Toutes ces notions nous ont été fournies par l’analyse de l’être humain, considéré dans sa constitution morale et intellectuelle ; elles se sont présentées, à la suite d’une dialectique irréfutable, comme le postulat nécessaire de notre nature contingente et de notre fonction sur le globe.

Plus tard, ce que nous n’avions d’abord conçu que comme simple possibilité d’existence, s’est élevé par la théorie du dualisme irréductible et de la progression des êtres, à l’importance d’une probabilité. Nous avons constaté que le fait désormais acquis à la science d’une création progressive, qui