Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/238

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ment la proclamez-vous sainte et sacrée ? Quelle considération, quel préjugé vous touche ?

Est-ce l’ordre majestueux des sociétés humaines, que vous ne connaissez pas, mais dont vous supposez que la propriété est l’inébranlable fondement ? — Non, puisque la propriété, telle quelle, est pour vous l’ordre même ; puisque d’ailleurs il est prouvé que la propriété est de sa nature abusive, c’est-à-dire désordonnée, antisociale.

Est-ce la Nécessité, ou la Providence, dont vous ne comprenez pas les lois, mais dont vous adorez les desseins ? — Non, puisque d’après l’analyse la propriété étant contradictoire et corruptible, est par cela même une négation de la Nécessité, une injure à la Providence.

Est-ce une philosophie supérieure, considérant de haut les misères humaines, et cherchant par le mal à procurer le bien ? — Non, puisque la philosophie est l’accord de la raison et de l’expérience, et qu’au jugement de la raison comme à celui de l’expérience, la propriété est condamnée. Serait-ce point la religion ? — Peut-être !...


§ IV. — Démonstration de l’hypothèse de Dieu par la propriété.


Si Dieu n’existait pas, il n’y aurait point de propriétaires : c’est la conclusion de l’économie politique.

Et la conclusion de la science sociale est celle-ci : La propriété est le crime de l’Être suprême. Il n’y a pour l’homme qu’un seul devoir, une seule religion, c’est de renier Dieu. Hoc est primum et maximum mandatum.

Il est prouvé que l’établissement de la propriété parmi les hommes n’a point été chose d’élection et de philosophie : son origine, comme celle de la royauté, comme celle des langues et des cultes, est toute spontanée, mystique, en un mot, divine. La propriété appartient à la grande famille des croyances instinctives, qui, sous le manteau de la religion et de l’autorité, règnent partout encore sur notre orgueilleuse espèce. La propriété, en un mot, est elle-même une religion : elle a sa théologie, l’économie politique ; sa casuistique, la jurisprudence ; sa mythologie et ses symboles, dans les formes extérieures de la justice et des contrats. L’origine historique de la propriété, comme de toute religion, se cache dans les ténèbres : interrogée sur elle-même, elle répond par le fait de son existence ; elle s’explique par des légendes, et donne des allégories pour des preuves. Enfin la propriété,