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titution. Le sultan use et abuse de son esclave : la terre est pour lui un instrument de luxure… Je trouve ici plus qu’une métaphore, je découvre une profonde analogie.

Qu’est-ce qui, dans les rapports des sexes, distingue le mariage du concubinage ? Tout le monde sent la différence de ces deux choses ; peu de gens seraient en état d’en rendre compte, tant la question est devenue obscure par la licence des mœurs et l’effronterie des romans.

Est-ce la progéniture ? On voit des commerces illicites produire autant et aussi bien que les unions légitimes les plus fécondes. — Est-ce la durée ? Nombre de célibataires gardent dix et vingt ans une maîtresse, qui, d’abord humiliée et avilie, subjugue à son tour et avilit son indigne amant. D’ailleurs, la perpétuité du mariage peut très-bien d’obligatoire devenir facultative au moyen du divorce, sans que le mariage perde rien de son caractère. La perpétuité est le vœu de l’amour et l’espoir de la famille, sans doute : mais elle n’est point essentielle au mariage ; elle peut toujours, sans offenser le sacrement, être, pour certaines causes, interrompue. — Est-ce, enfin, la cérémonie nuptiale, quatre mots prononcés devant un adjoint et un prêtre ? Quelle vertu peut avoir une pareille formalité pour l’amour, la constance, le dévouement ? Marat, comme Jean-Jacques, avait épousé sa gouvernante au bois, à la face du soleil. Le saint homme avait contracté de très-bonne foi, et ne se doutait pas que son alliance ne fût aussi décente et respectable que si elle avait été contre-signée du municipal. Marat, dans l’acte le plus important de la vie, avait jugé à propos de se passer de l’intervention de la république : il mettait, suivant les idées de M. Louis Blanc, le fait naturel au-dessus de la convention. Qui donc empêche que nous n’en usions tous comme Marat ? et que signifie ce mot de mariage ?

Ce qui constitue le mariage, c’est que la société y est présente, non pas seulement à l’instant des promesses, mais tant que dure la cohabitation des époux. La société, dis-je, reçoit seule pour chacun des époux le serment de l’autre ; seule elle leur donne des droits, puisque seule elle peut rendre ces droits authentiques ; et tout en semblant n’imposer aux contractants que des devoirs mutuels, elle stipule en réalité pour elle-même. « Nous sommes unis en Dieu, dit Tobie à Sara, avant que nous le soyons entre nous ; les enfants des saints ne se peuvent joindre à la façon des bêtes et des barbares. » Dans cette union consacrée par le magistrat, organe visible