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rival ; et il y a mille écus pour l’avocat si je gagne mon procès, cinq cents francs si je le perds. Et l’avocat de s’incliner avec respect, disant à sa conscience qui murmure : Il faut que je vive !

On dit au prêtre : Voici de l’argent pour trois cents messes. Vous n’avez point à vous inquiéter de la moralité du défunt : il est probable qu’il ne verra jamais Dieu, étant mort dans l’hypocrisie, les mains pleines du bien d’autrui, et chargé de la malédiction du peuple. Ce ne sont pas vos affaires : nous payons, dites toujours. Et le prêtre, levant les yeux aux ciel, Amen, dit-il, il faut que je vive.

On dit au fournisseur : Il nous faut trente mille fusils, dix mille sabres, mille quintaux de plomb, cent barils de poudre. Ce que l’on en peut faire ne vous regarde point ; il est possible que tout cela passe à l’ennemi : mais il y aura deux cent mille francs de bénéfice. C’est bien, répond le fournisseur : chacun son métier, il faut que tout le monde vive !… Faites le tour de la société ; et après avoir constaté l’absolutisme universel, vous aurez reconnu l’indignité universelle. Quelle immoralité dans ce système de valetage ! quelle flétrissure dans ce machinisme !

Plus l’homme approche de la tombe, plus le propriétaire se montre irréconciliable. C’est ce que le christianisme a figuré dans son mythe effrayant de l’impénitence finale.

Représentez à ce vieillard libidineux ou dévot que la gouvernante qu’il se propose d’avantager au préjudice de ses proches est indigne de ses soins ; que l’église est assez riche, et qu’un honnête homme n’a pas besoin de prières ; que sa parenté est pauvre, laborieuse, honnête ; qu’il y a là de braves garçons à établir, des jeunes filles à doter ; qu’en leur laissant sa fortune, il s’assure leur reconnaissance, et fait le bien de plusieurs générations ; que c’est l’esprit de la loi que les testaments servent à l’union et à la prospérité des familles. Je ne veux pas ! répond sèchement le propriétaire, et le scandale des testaments surpasse l’immoralité des fortunes. Or, essayez de modifier ce droit d’apanager et de transmettre, qui est un démembrement de l’autorité souveraine, et vous retombez à l’instant dans le monopole. Vous changez la propriété en usufruit, la rente en pension viagère ; vous remplacez le despotisme propriétaire par l’absolutisme de l’état, et alors de deux choses l’une : ou bien revenant à la propriété féodale et inaliénable, vous arrêtez la circulation des capitaux et faites rétrograder la société ; ou