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languette de l’autre ; quelques hectares de mauvais terrain, et la voie est ouverte. Mais le propriétaire : Je ne veux pas, s’écrie-t-il de sa voix retentissante ; et devant ce formidable veto, le préteur autrefois n’osait passer outre. Pourtant, à la fin, l’état a osé répliquer, Je veux ! Mais que d’hésitations, que de frayeurs, quel trouble, avant de prendre cette résolution héroïque ! que d’arbitrages ! que de procès ! Le peuple a payé cher ce coup d’autorité, dont les promoteurs furent encore plus étourdis que les propriétaires. Car il venait de s’établir un précédent dont les conséquences paraissaient incalculables ! … On se promit qu’après avoir passé ce Rubicon les ponts seraient rompus, qu’on s’en tiendrait là. Faire violence à la propriété, quel présage ! L’ombre de Spartacus eût paru moins terrible.

Dans les profondeurs d’un sol naturellement peu fertile, le hasard, et puis la science, née du hasard, découvrent des trésors de combustible. C’est un présent gratuit de la nature, déposé sous le sol de l’habitation commune, et dont chacun a droit de réclamer sa part. Mais arrive le propriétaire, le propriétaire à qui la concession du sol a été faite seulement en vue de la culture. Vous ne passerez pas, dit-il ; vous ne violerez pas ma propriété ! À cette sommation inattendue, grand débat parmi les doctes. Les uns disent que la mine n’est pas la même chose que la terre arable, et doit appartenir à l’état ; les autres soutiennent que le propriétaire a la propriété du dessus et du dessous, Cujus est solum, ejus est usque ad inferos. Car si le propriétaire, nouveau cerbère préposé à la garde des sombres royaumes, peut mettre l’interdit sur l’entrée, le droit de l’état n’est qu’une fiction. Il faudrait revenir à l’expropriation : où cela mènerait-il ? L’état cède : « Affirmons-le hardiment, dit-il par la bouche de M. Dunoyer, appuyé de M. Troplong ; il n’est pas plus juste et plus raisonnable de dire que les mines sont la propriété de la nation, qu’il ne l’était autrefois de prétendre qu’elles étaient la propriété du roi. Les mines font essentiellement partie du sol. C’est avec uu parfait bon sens que la loi commune a dit que la propriété du dessus implique celle du dessous ? Où fetait-on cesser, en effet, la séparation ? »

M. Dunoyer est en peine pour peu de chose. Qui donc empêche de séparer la mine de la superficie, de même qu’on sépare quelquefois, dans une succession, le rez-de-chaussee du premier étage ? C’est ce que font très-bien les propriétaires des terrains houillers dans le département de la Loire,