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de l’hérédité en elle-même, ou de l’inégalité des héritages ?

— Avec l’hérédité, dites-vous, l’héritage ne peut être longtemps, à plus forte raison ne peut devenir une réalité pour tout le monde. — Qui vous l’a dit ? que savez-vous si l’hérédité, comme la propriété, le monopole et la concurrence, ne pourrait pas être retournée par le travail contre le capital, après avoir servi si longtemps le capital contre le travail ? Mais vous avez si peu l’intelligence des contradictions économiques que l’idée ne vous viendra pas de leur faire produire, en les combattant l’une par l’autre, des résultats opposés à ceux qu’elles donnent aujourd’hui : loin de là, toute votre idéologie ne tend qu’à les effacer. Effacer de la science sociale les principes de la société, retrancher de la civilisation les organes civilisateurs, telle est donc votre philosophie ! Aussi bien les démocrates n’y regarderont pas de si près ; les socialistes seront ravis des concessions que vous leur aurez faites ; la presse patriotique célèbrera votre éloquence, et tout ira au mieux dans la plus sage des démocraties possibles.

Les socialistes mitigés attaquent le droit de succession, parce qu’ils ne savent pas en faire un moyen conservateur de l’égalité ; les fouriéristes et saint-simoniens attaquent la famille, parce que leurs systèmes sont incompatibles avec l’industrie privée, la vie intérieure et le libre échange ; les communistes attaquent la propriété, parce qu’ils ignorent comment la propriété cessera d’être abusive par la mutualité des services. Confession d’ignorance ! c’est l’argument de toutes ces sectes prétendues réformatrices, argument qui porte en soi sa réfutation, et suffit seul à nous dégoûter des prédications humanitaires.

3° Le crédit garanti, la famille constituée, le droit de succession accordé à tous, restait donc à distribuer la propriété, afin que chacun pût, à son tour, devenir chef de famille, et que personne ne fût destitue d’héritage. Mais comment partager la terre ? comment délimiter les lots ? comment maintenir l’égalité des héritages ? La terre suffira-t-elle à tant de patrimoines ? ou bien sera-t-elle réservée au cultivateur, et l’indusfriel, l’improductif, le commerçant, etc., seront-ils exclus de la propriété ! Comment se feront les mutations, les compensations, les liquidations ? comment se réglera le travail ? comment le partage des fruits, etc. ? On le voit, les questions économiques se reproduisent toutes dans la propriété.