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toucher aux successions collatérales. Défendrez-vous les fidéi-commis, les fonds perdus, les rémérés, les dotations ? Quoi ! j’aurai la faculté de laisser mon bien à tout le monde, à savoir l’état, et je ne pourrai le donnera quelqu’un ! Il me sera permis de travailler, de faire des épargnes, de former des capitaux, d’acquérir des immeubles, d’en jouir exclusivement à tout autre ; et quand il s’agira pour moi d’en disposer, d’accroître mon bien-être en me constituant une famille d’adoption à la place d’une famille naturelle que je n’ai point, je ne serai maître de rien ! A quoi donc me servira d’être propriétaire ? Êtes-vous communiste ? Osez le dire ; ne tergiversez pas ; ne nous fatiguez plus de vos fictions de divinité, de république, et de gouvernement, grands mots qui ne sont que des chevilles dans votre prose poétique, et des amorces pour les imbéciles.

« Le pauvre qui aujourd’hui n’a rien à laisser à ses enfants, le pauvre a-t-il une famille ? S’il en a une, la famille, dans l’impur milieu où nous sommes, peut donc jusqu’à certain point exister sans l’hérédité. S’il n’en a pas, justifiez vos institutions. Et hâtez-vous ; la famille ne saurait être un privilège »

Déclamation ! L’hérédité existe dans la famille du pauvre comme dans celle du riche : ce droit sacré et inaliénable, le prolétaire l’a définitivement conquis dans notre grande révolution, et l’a opposé comme une barrière infranchissable aux déprédations de la noblesse. Tel autrefois le plébéien de Rome s’affranchit de la tyrannie du patricien en obtenant le jus connubii, le droit de famille, réservé pendant longtemps aux seuls nobles. Ce qui manque au pauvre, ce n’est plus l’hérédité, c’est l’héritage. Au lieu d’abolir l’hérédité, songez plutôt à faire cesser la déshérence. Car, c’est vous-même qui le dites : La famille ne saurait être un privilège. Et c’est pour cela que le droit de famille est universel, non commun ; que l’hérédité lui est nécessaire, et conséquemment l’héritage. Proscrire l’hérédité parce qu’elle n’est pas encore effective pour tout le monde, c’est raisonner dans un sens matérialiste et contre-révolutionnaire ; c’est comme si on condamnait la France à ne manger que des pommes de terre et boire de l’eau, par compassion pour la malheureuse Irlande.

« Conduisez la famille jusqu’à l’hérédité : aussitôt vous voyez entre l’intérêt social et l’intérêt domestique se creuser un abîme… »

Mais, encore une fois, d’où vient cet antagonisme ? Est-ce