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L’homme et la femme ? ont nécessaires l’un à l’autre comme les deux principes constitutifs du travail : le mariage, dans sa dualité indissoluble, est l’incarnation du dualisme économique, qui s’exprime, comme l’on sait, par les termes généraux de consommation et production. C’est dans cette vue qu’ont été réglées les aptitudes des sexes, le travail pour l’un, la dépense pour l’autre ; et malheur à toute union dans laquelle une des parties manque à son devoir ! Le bonheur que s’étaient promis les époux se changera en douleur et en amertume : qu’ils s’en accusent eux-mêmes !…

S’il n’existait que des femmes, elles vivraient ensemble comme une compagnie de tourterelles ; s’il n’y avait que des hommes, ils n’auraient aucune raison de s’élever au-dessus du monopole et de renoncer à l’agiotage : on les verrait tous, maîtres ou valets, attablés au jeu, ou courbés sous le joug. Mais l’homme a été créé mâle et femelle : de là nécessité du ménage et de la propriété. Que les deux sexes s’unissent : aussitôt de cette union mystique, de toutes les institutions humaines la plus étonnante, naît, par un inconcevable prodige, la propriété, la division du patrimoine commun en souverainetés individuelles.

Le ménage, voilà donc pour toute femme, dans l’ordre économique, le plus désirable des biens ; la propriété, l’atelier, le travail à son compte, voilà, avec la femme, ce que tout homme souhaite le plus. Amour et mariage, travail et ménage, propriété et domesticité, que le lecteur, en faveur du sens, daigne ici suppléer à la lettre : tous ces termes sont équivalents, toutes ces idées s’appellent, et créent pour les futurs auteurs de la famille une longue perspective de bonheur, comme elles révèlent au philosophe tout un système.

Sur tout cela le genre humain est unanime, moins cependant le socialisme, qui seul, dans le vague de ses idées, proteste contre l’unanimité du genre humain. Le socialisme veut abolir le ménage, parce qu’il coûte trop cher ; la famille, parce qu’elle fait tort à la patrie ; la propriété, parce qu’elle préjudicie à l’état. Le socialisme veut changer le rôle de la femme ; de reine que la société l’a établie, il veut en faire une prêtresse de Cotytto. Je n’entrerai pas dans une discussion directe des idées socialistes à cet égard. Le socialisme, sur le mariage comme sur l’association, n’a point d’idées ; et toute sa critique se résout en un aveu très-explicite d’i-