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Mais la garantie réelle est nulle, si elle n’est en même temps personnelle, je crois l’avoir suffisamment expliqué. De là nécessité encore, pour développer le crédit, de changer le monopole en propriété. Dans l’ordre des évolutions économiques, la propriété naît du crédit, bien qu’elle en soit la condition préalable ; comme l’hypothèque vient à la suite de l’emprunt, bien qu’elle soit la condition préalable de l’emrunt. C’est ce que M. Augier me semble avoir voulu dire, lorsque, dans la conclusion malheureusement trop brève de son livre, il s’exprime en ces termes :

« Il n’y a pas d’hypothèque sans propriété libre ; nécessairement pas de crédit réel sans la propriété… Les peuples en travail de crédit subissent diverses épreuves dans la formation de leur hypothèque, et du genre de revenu qui doit en constituer la base… »

En effet, jusqu’au moment où le privilégié, en formant un emprunt, vient à grever son exploitation, on peut ne voir en lui que le patron des travailleurs sous ses ordres, le gérant d’une compagnie, qui agit tant au nom de ses collaborateurs qu’au sien propre, dans leur intérêt, comme aussi pour sa fortune. Le monopole est inféodé à sa personne avec privilège sur les intérêts du capital et les bénéfices, mais sans garantie de perpétuité et de transmissibilité, et sous la condition de prendre toujours actuellement et personnellement part à l’exploitation. Pour lui le droit dam la chose n’existe pas dans sa plénitude : le chef d’un établissement ne pourrait risquer et compromettre un matériel encore entaché d’un certain caractère de communauté, sans être coupable, au moins au for intérieur ; et cela parce qu’il ne jouit encore que d’un privilège d’exploitation, il n’a point la propriété. Le monopoleur enfin était une façon de mandataire : la nécessité du crédit le fait roi.

Se pouvait-il, en effet, qu’en engageant les instruments de production le privilégié ne traitât qu’en qualité de contremaître, plénipotentiaire d’une petite république ? Non certes : une pareille condition, imposée à l’emprunteur, aurait été une diminution de ses avantages, puisqu’elle le soumettait à ses subalternes ; c’eût été une dissolution du pacte social, une rétrogradation en deuxième phase.

Donc par cela seul que la société, forcée par le crédit, a reconnu au monopoleur le droit d’emprunter sur l’hypothèque de son monopole sans rendre compte à ses compagnons de travail, elle l’a rendu propriétaire. La propriété est le