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qu’ils ne nous apprennent absolument rien. Car, admettant que l’appropriation soit nécessaire à l’accomplissement de la destinée de l’homme et à l’exercice de son industrie, tout ce que l’on en peut conclure est que, l’appropriation étant nécessaire à tous les hommes, la possession doit être égale, partant toujours changeante et mobile, susceptible d’augmentation et de diminution, nonobstant le consentement des possesseurs, ce qui est la négation même de la propriété. Dans le système des légistes, des raisonneurs à priori, la propriété, pour être d’accord avec elle-même, devrait être comme la liberté, réciproque et inaliénable : en sorte que toute acquisition, c’est-à-dire tout exercice ultérieur du droit d’appropriation se trouverait être en même temps, de la part de l’acquéreur, la jouissance d’un droit naturel, et, vis-à-vis de ses semblables, une usurpation : ce qui est contradictoire, impossible.

Que les économistes, appuyés sur leurs inductions utilitaires, viennent à leur tour et nous disent : L’origine de là propriété, c’est le travail. La propriété, c’est le droit de vivre en travaillant, de disposer librement et souverainement de ses épargnes, de son capital, du fruit de son intelligence et de son industrie ; leur système n’est pas plus solide. Si le travail, l’occupation effective et féconde, est le principe de la propriété, comment expliquer la propriété chez celui qui ne travaille pas ? comment justifier le fermage ? comment déduire de cette formation de la propriété par le travail, le droit de posséder sans travail ? comment concevoir que d’un travail soutenu pendant trente ans résulte une propriété éternelle ? Si le travail est la source de la propriété, cela veut dire que la propriété est la récompense du travail : or, quelle est la valeur du travail ? quelle est la mesure commune des produits, dont l’échange amène de si monstrueuses inégalités dans la propriété ? Dira-t-on que la propriété doit être limitée à la durée de l’occupation réelle, à la durée du travail ? Alors la propriété cesse d’être personnelle, inaliénable et transmissible : ce n’est plus la propriété. N’est-il pas sensible que si la théorie des légistes est de pur arbitraire, celle des légistes est de pure routine ? Du reste, elle a paru si dangereuse par ses conséquences, qu’elle a été presque aussitôt abandonnée que mise au jour. Les légistes d’outre-Rhin, entre autres, sont revenus presque tous au système de la première occupation ; chose à peine croyable dans le pays de la dialectique.

Que dire des divagations des mystiques, de ces gens à qui