l’ennemi du dedans ? Toute l’Angleterre est debout aujourd’hui pour la liberté des échanges : on dirait un appel fait aux Russes, aux Égyptiens, aux Américains, par les monopoleurs de l’industrie dans ce pays, contre les monopoleurs du sol. Pourquoi cette trahison, si c’est vraiment le monopole qu’on attaque ? Les millions de bras nus de l’Angleterre ne sont-ils pas assez forts contre quelques milliers d’aristocrates ?
« Quand on dira, » s’écriait M. Senior, l’un des membres les plus influents de la ligue, « quand on dira, et avec toute vérité, aux ouvriers, que le gouvernement a pris l’initiative dans la direction à donner aux manufactures et au commerce ; qu’il s’est servi de cette monstrueuse usurpation pour le profit (réel ou supposé) de quelques-uns ; quand ils découvriront que de tous les monopoles qu’il a conférés, celui qu’il défend avec le plus d’acharnement, est le monopole de la subsistance ; quand ils verront que c’est là le monopole qui leur inflige les plus rudes privations, et qui donne à la classe qui gouverne le plus grand et le plus immédiat profit ; nous le demandons, endureront-ils ces maux comme une calamité providentielle, ou bien les regarderont-ils comme la triste conséquence d’une injustice ? Si la raison les conduit à ce dernier jugement, quelle forme leur ressentiment prendra-t-il ? Se soumettront-ils, ou bien chercheront-ils dans leur puissance la réparation de cette longue injure ? Et leur force est-elle assez grande pour être redoutable ?
» À toutes ces questions, il est facile de répondre. La population d’Angleterre consiste en millions d’individus agglomérés dans les villes, accoutumés aux discussions politiques. Ils ont leurs chefs et leur propre presse, ils sont organisés en corps qu’ils nomment combinaisons, et qui ont chacun leurs officiers, leur pouvoir exécutif, leur pouvoir délibérant ; ils ont des fonds pour les besoins de chaque société, et des fonds pour les besoins généraux de toutes les sociétés réunies. Ils sont habitués par une longue pratique à éluder les lois contre les coalitions, à combattre, et à défier l’autorité de l’état. Une telle population est formidable, même dans la prospérité ; elle le deviendrait mille fois plus encore dans le malheur, même quand le malheur ne pourrait être attribué aux gouvernements. Mais si cette misère peut être attribuée à la législature, si les travailleurs peuvent accuser la classe gouvernante, non plus d’erreur, mais de vol et d’oppression ; s’ils se voient sacrifiés à la rente du propriétaire, aux bénéfices du planteur, ou à ceux du forestier canadien ;