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Ainsi le syllogisme, procédant invariablement par un à priori, par un préjugé, ne sait pas d’où il vient : peu ami de l’observation, il pose son principe bien plus qu’il ne l’expose ; il tend, en un mot, moins à découvrir la science, qu’à la créer.

Le second instrument de la dialectique est l’induction. L’induction est l’inverse ou la négation du syllogisme, comme le matérialisme, l’affirmation exclusive du non-moi, est l’inverse ou la négation du spiritualisme. Tout le monde connaît cette forme de raisonnement, prônée et recommandée par Bacon, et qui devait, selon lui, renouveler les sciences. Elle consiste à remonter du particulier au général, au rebours du syllogisme, qui descend du général au particulier. Or, comme le particulier peut se classer, selon la variété infinie de ses aspects, en une multitude innombrable de catégories, et comme le principe de l’induction est de ne rien supposer qu’elle ne l’ait auparavant établi, il s’ensuit qu’à rencontre du syllogisme, qui ne sait pas d’où il vient, l’induction ne sait point où elle va : elle reste à terre, et ne peut s’élever ni aboutir. Comme le syllogisme, l’induction n’a donc de puissance que pour démontrer la vérité déjà connue : elle est sans force pour la découverte. On s’en aperçoit, aujourd’hui, en France, où l’absence de ce qu’on nomme esprit philosophique, c’est-à-dire le manque d’instruments dialectiques supérieurs, retient la science stationnaire, au moment même où les observations s’accumulent avec une abondance et une rapidité effrayantes. Aussi est-il vrai de dire que les progrès accomplis depuis Bacon ne sont point dus, comme on l’a tant de fois répété, à l’induction, mais à l’observation soutenue du petit nombre de préjugés généraux que nous avait légués l’ancienne philosophie, et que l’observation n’a fait que confirmer, modifier ou détruire. A présent qu’il semble que nous ayons épuisé notre trame, l’induction s’arrête, la science ne marche plus.

En deux mots, l’induction donnant tout à l’empirisme, le syllogisme tout à l’à priori la connaissance oscille entre deux néants : pendant que les faits se multiplient, la philosophie se déroute, et trop souvent l’expérience reste perdue.

Ce qui fait en ce moment besoin est donc un nouvel instrument qui, réunissant les propriétés du syllogisme et de l’induction, partant à la fois du particulier et du général, menant de front la raison et l’expérience, imitant, en un mot, le dualisme qui constitue l’univers et qui fait sortir