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certaine aisance ; et qu’elles tombent, ou plutôt deviennent impossibles, dès qu’on parle d’y admettre ceux à qui elles serviraient le plus, les pauvres.

La caisse d’épargne, la mutualité, l’assurance sur la vie, choses excellentes pour qui, jouissant déjà d’une certaine aisance, désire y ajouter des garanties, demeurent tout à fait infructueuses, sinon même inaccessibles, à la classe pauvre. La sécurité est une marchandise qui se paye comme toute autre ; et comme le tarif de cette marchandise baisse, non pas selon la misère de l’acheteur, mais selon l’importance de la somme qu’il assure, l’assurance se résout en un nouveau privilège pour le riche, et une ironie cruelle pour le pauvre.

Terminons cette revue par un exemple qui, pris dans une autre sphère d’opérations, mettra mieux en relief ce que le crédit tend à produire, et qu’il est dans l’impuissance absolue de réaliser, soit par l’intervention de l’état, soit par l’action du monopole.

J’ai expliqué, chap. VI, l’origine et la théorie du rendement des capitaux, autrement dit du prêt à intérêt. J’ai dit comment cette théorie, vraie tant qu’il s’agit de transactions entre particuliers, et que l’intérêt se borne à reconstituer le capital augmenté seulement d’une prime légère, devient tout à fait fausse, appliquée à la société, et avec la perpétuité de l’intérêt. La raison de cela, ai-je ajouté, c’est qu’alors le produit net est compté en sus du produit brut : ce qui dans la société est contradictoire, impossible.

Or, le crédit n’est autre chose que la tentative d’égaliser les conditions en appliquant à la société le principe de l’excédant du produit net sur le produit brut, et de la perpétuité de l’intérêt.

Supposons que l’état entreprenne un canal dont la construction, après la rendue des travaux, coûtera 30 millions. Il est clair que si le gouvernement, après avoir pris ces 30 millions sur le budget, établit le tarif des droits de navigation de manière à faire rendre au canal l’intérêt de la somme qu’il coûte, ce sera comme s’il faisait payer deux fois le canal aux contribuables. L’usage du canal, sauf les frais d’entretien, doit donc être gratuit : tel est le principe économique des dépenses de l’état.

Dans la pratique, les choses ne se passent pas de la sorte. D’abord, il est rare que l’état possède les capitaux dont il a besoin ; et comme il est impossible de les lui procurer d’un seul coup par l’impôt, surtout depuis que les dépenses pour