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peut le frapper et le mettre au désespoir. À ce point de vue la caisse d’épargne est un progrès, en ce qu’elle apprend à triompher de la nature et de l’imprévu : mais aussi elle est la mort au monde, la déchéance esthétique du travailleur. On a beaucoup parlé dans ces derniers temps de rendre les caisses d’épargne et de retraite obligatoires aux ouvriers, à qui une retenue sur le salaire serait faite pour cet objet. Vienne une pareille loi, et, tout en écartant les misères subites, les dénuments extrêmes, on aura fait de l’infériorité de la caste travailleuse une nécessité sociale, une loi constitutive de l’état.

Enfin le but, politique et dynastique, de la caisse d’épargne, est d’enchaîner, par le crédit qu’on lui demande, la population à l’ordre de choses. Nouveau pas vers la stabilité, l’égalité civile, et la subordination du pouvoir à l’industrie : mais en même temps excitation à l’égoïsme et déception de crédit, puisqu’au lieu de procurer à tous une possession effective et sociale des produits du travail et de la nature, la caisse d’épargne ne fait que développer l’instinct d’accumulation, sans lui offrir de garanties.

Or, si la caisse d’épargne ne touche aucunement aux causes de l’inégalité ; si elle ne fait que changer le caractère du paupérisme, lui rendant en étendue ce qu’elle lui ôte en intensité ; si, par elle, la séparation du patriciat et du prolétariat devient plus profonde ; si elle est une consécration du monopole, dont les effets l’ont fait naître, et qu’elle devrait abolir : peut-on dire encore que la caisse d’épargne est l’arche de salut des classes travailleuses, et qu’une immense rénovation doit un jour en sortir ?

Aux caisses d’épargne succèdent les caisses de retraite, les sociétés de secours mutuels, d’assurances sur la vie, les tontines, etc. : toutes combinaisons dont le principe se réduit à répartir les mauvaises chances, soit sur la vie entière de chaque individu, soit sur un certain nombre d’associés ; mais sans atteindre jamais le mal dans sa source, sans s’élever à l’idée d’une vraie réciprocité, ni même d’une simple réparation.

D’après le projet de M. O. Rodrigue sur les caisses de retraite, tout ouvrier serait admis à faire des versements à la caisse depuis vingt-un jusqu’à quarante-cinq ans ; et la pension pourrait commencer à être touchée depuis cinquante-cinq à soixante-cinq.

Le minimum de cette pension serait de 60 fr.