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« Crèche des enfants pauvres, âgés de moins de deux ans, dont les mères travaillent hors de leur domicile, et se conduisent bien.

» La crèche est ouverte à cinq heures et demie du matin, fermée à huit heures et demie du soir. La mère apporte son enfant, avec le linge nécessaire pour la journée : elle vient l’allaiter aux heures des repas, et le reprend chaque soir. L’enfant sevré a son petit panier comme l’enfant de l’asile. Des berceuses choisies parmi les femmes pauvres soignent les enfants. Un médecin visite la crèche tous les jours. La mère donne aux berceuses 20 centimes par jour pour chaque jour de présence de l’enfant. Celle qui a deux enfants à la crèche ne donne pour les deux que 30 centimes. »


Suivent les noms des dames inspectrices et directrices, ainsi que des médecins et membres des comités.

J’avoue que la charité de tant de personnes du sexe, les plus distinguées par la naissance, l’éducation et la fortune, et qui se font les hospitalières de leurs sœurs en Jésus-Christ en attendant qu’une société meilleure leur permette de devenir leurs collaboratrices et leurs compagnes, me pénètre et me touche ; et je me ferais horreur s’il échappait à ma plume, en parlant des devoirs que ces nobles dames accomplissent avec tant d’amour et que rien ne leur impose, un seul mot qui respirât l’ironie ou le dédain. saintes et courageuses femmes ! vos cœurs ont devancé les temps ! et c’est nous, misérables praticiens, faux philosophes, faux savants, qui sommes responsables de l’inutilité de vos efforts. Puissiez-vous un jour recevoir votre récompense ! Mais puissiez-vous ignorer à jamais ce qu’une dialectique suscitée de l’enfer, car c’est la société qui l’a mise en mon âme, me forcera tout à l’heure à dire de vous !

Pourquoi, dans une œuvre de miséricorde, faite à l’intention des enfants pauvres âgés de moins de deux ans, dont les mères sont obligées d’aller hors de chez elles gagner leur vie, cette restriction douloureuse, et se conduisent bien ? Sans doute on a voulu encourager le travail, aider l’économie, récompenser la bonne conduite, sans favoriser le désordre. Mais qui donc souffrira de l’exclusion ? Sera-ce la mère ou son enfant ? D’ailleurs, l’inconduite de cette mère n’est-elle pas aussi une calamité dont le pauvre enfant a besoin d’être guéri, encore plus que de l’abandon et du dénûment ?…