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soit la plus générale, et qu’aucune fortune ne lui échappe. MM. Ciezskowski et Wolowski sont les principaux chefs de l’expédition ; les membres composant la commission chargée de réviser la loi des hypothèques et d’organiser le crédit foncier forment l’équipage ; M. Augier est le Jérémie qui pleure d’avance sur la catastrophe. Qui osera se plaindre, quand les sommités de l’économie politique, de la finance, de l’enseignement et de la magistrature, appuyées de la faveur publique, parlant au nom de la science et des intérêts, après avoir fait adopter leurs idées aux grands pouvoirs de l’état et soufflé la leçon au législateur, auront ajouté à notre vieux bagage de démocratie, d’aristocratie et de monarchie, la bancocratie, le gouvernement de la banqueroute ?

Le crédit est hypocrite comme l’impôt, spoliateur comme le monopole, agent de servitude comme les machines. Tel qu’une contagion subtile et lente, il propage, étend, distribue sur la masse des peuples les effets plus concentrés, plus localisés des fléaux antérieurs. Mais, de quelque masque qu’il se couvre, piété, travail, progrès, association, philantrophie, le crédit est voleur et assassin, principe, moyen et fin de la féodalité industrielle. Le législateur des Hébreux avait sondé toutes ces profondeurs, lorsqu’il recommandait à son peuple de faire crédit aux autres nations, mais de ne le recevoir jamais d’elles, et qu’il leur promettait à cette condition la domination et l’empire :

Si tu fais crédit aux nations,
El que toi-même tu n'empruntes pas ;
Tu régneras sur tous les peuples,
Et personne ne sera ton maître.
_________Deutéron., ch. XV, v. 6.

Les Juifs n’ont point failli à ce précepte, infidèles à Jéhovah souvent, fidèles à Mammon toujours. Et l’on peut voir aujourd’hui, si la promesse de Moïse s’est accomplie.

Le crédit opère, non pas directement, en frappant seulement le producteur, mais d’une manière indirecte, eu retombant sur le consommateur comme l’impôt de quotité. Voilà pourquoi l’action du crédit reste imperceptible au vulgaire et ne soulève pas l’opinion : l’intérêt divisé de la production l’emportant ici, de même que dans toutes les questions d’impôt, sur l’intérêt collectif de la consommation. Comme l’on dit que la force s’accroît par la concentration, vis unita major, de même on peut dire qu’un fardeau qui se divise parait moindre ; et c’est sur ce principe qu’est éta-