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n’a pas d’autre sens. Était-il possible que la terre fût séparée en une myriade de compartiments, dans chacun desquels aurait vécu, sans sortir et sans communiquer avec ses voisins, une petite société ? Pour se convaincre de l’impossibilité absolue d’une pareille hypothèse, il suffit de jeter les yeux sur la variété des objets qui servent à la consommation, non-seulement du riche, mais du plus modeste artisan, et de se demander si cette variété pouvait être acquise par l’isolement. Allons droit au fond : l’humanité est progressive ; c’est là son trait distinctif, son caractère essentiel. Donc le régime cellulaire était inapplicable à l’humanité, et le commerce international était la condition première, et sine quâ non, de notre perfectibilité.

De même donc que le simple travailleur, chaque nation a besoin d’échange : c’est par là seulement qu’elle s’élève en richesse, intelligence et dignité. Tout ce que nous avons dit de la constitution de la valeur entre les membres d’une même société est également vrai des sociétés entre elles ; et de même que chaque corps politique parvient à sa constitution normale par la solution progressive des antinomies qui se développent dans son sein, c’est aussi par une équation analogue entre les nations que l’humanité marche à sa constitution unitaire. Le commerce de nation à nation doit donc être le plus libre possible, afin qu’aucune société ne soit excommuniée du genre humain, afin de favoriser l’engrenage de toutes les activités et spécialités collectives, et d’accélérer l’époque, prévue par les économistes, où toutes les races ne formeront plus qu’une famille, et le globe un atelier.

Une preuve non moins concluante de la nécessité du commerce libre se déduit de la liberté individuelle et de la constitution de la société en monopoles, constitution qui, ainsi que nous l’avons fait voir dans le cours du premier volume, est elle-même une nécessité de notre nature et de notre condition de travailleurs.

D’après le principe de l’appropriation individuelle et de l’égalité civile, la loi ne reconnaissant aucune solidarité de producteur à producteur, non plus que d’entrepreneur à salarié, aucun exploitant n’a le droit de réclamer, dans l’intérêt de son monopole particulier, la subordination ou la gêne des autres monopoles. La conséquence est que chaque membre de la société a le droit illimité de se pourvoir, comme il l’entend, des objets nécessaires à sa consommation, et de vendre ses produits à tel acheteur et pour tel prix