Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/122

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

société lui ouvre d’abord la crèche. Qu’on me permette, pour un moment, d’assimiler la crèche à une institution de crédit en faveur du pauvre. Ainsi, l’enfant au maillot est déjà le débiteur d’une banque ; car c’est lui, bien plus que sa mère, qui profite de cette providence de la société.

Au sortir de la crèche il est reçu à la salle d’asile. Plus tard, il recevra les éléments de toutes les connaissances humaines, ceux même de la peinture et de la musique, dans des écoles créées pour lui.

Le jour de l'apprentissage arrive : c’est la plus pénible, si l’on y regarde de près, de toutes les périodes de la vie de l’ouvrier. Mais que toutes ces douleurs semblent légères à l’enfant, soutenu par la gaieté et l’innocence de son âge, par les caresses de sa mère, les conseils de son père, l’immense espoir de toute une vie qui commence à peine pour lui !…

A dix-huit ans il est ouvrier, il est libre. Il commence à devenir homme. Déjà il aime, et dans quelques années il se mariera.

Supposons que cet ouvrier, à vingt ans, n’ayant que ses bras, et cette somme de connaissances, bien plus considérable qu’on ne croit, que peut donner l’école primaire, aidée de l’apprentissage et de quelques lectures ; supposons, dis-je, que cet ouvrier, obéissant à une bonne inspiration, songe à se créer une pension pour sa vieillesse, une ressource à sa femme et à ses enfants, s’il vient à mourir.

D’abord la caisse d’épargnes lui est ouverte. A 5 fr. par mois, le dépôt sera à la fin de l’année de 60 fr. Au bout de vingt ans, lorsque l’ouvrier sera dans toute la force de l’âge et de la raison, la somme de ses épargnes s’élèvera à 1,200 fr., lesquels, augmentés des intérêts, formeront un capital disponible d’environ 2,000 fr., soit à 4 p. 100 d’intérêt, 80 fr. de revenu.

Supposons maintenant que ce même ouvrier, parvenu à l’âge de quarante ans, alors que la prévoyance est le premier devoir du père de famille, au lieu de cousommer ce revenu de 80 fr., le porte à la caisse d’assurance sur la vie : à 3 p. 100 de prime, cela fait une somme de 2,666 fr. qu’il assure à sa veuve et à ses enfants, en cas de décès de sa part, et qui, ajoutée aux 2,000 fr. qu’il possède à la caisse d’épargnes, formerait déjà, si ce père prévoyant et sage mourait dans sa quarante-unième année, un capital assuré de 4,666 fr. Admettons, au contraire que cet homme, continuant, comme par le passé, de porter ses 5 fr. par mois, plus les intérêts