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l’homme semble l’agent involontaire ; de cette nécessité, dis-je, qui a si fort étonné M. Augier, et qui est la preuve la moins équivoque de l’infaillibilité humaine.

Se pouvait-il qu’il n’y eût pas de monnaie ? Autant vaut demander s’il se pouvait que parmi tous les produits du travail humain, il ne s’en trouvât pas quelqu’un d’une valeur plus commerciale que les autres. — Observons en passant que le progrès aurait pu être plus ou moins retardé, si, en face de l’or et de l’argent, la société avait adopté pour évaluateur commun, le blé, le fer, la soie, ou toute autre marchandise d’une plus grande variabilité de valeur et d’une circulation plus difficile.

La monnaie une fois inventée, se pouvait-il qu’elle ne devînt pas l’objet de la cupidité générale, la chose la plus nécessaire au pauvre comme au riche ?

Et puisque la fabrication d’une plus grande quantité de numéraire, au lieu de résoudre le problème, ne fait que l’ajourner, se peut-il encore, qu’après avoir évalué à la mesure de l’argent tous les capitaux et les produits, on ne travaille pas à les dégager et à les mettre en circulation comme monnaie ?

Disons-le hardiment : tout cela était inévitable, tout cela était écrit dans le cerveau humain comme sur le livre des destinées. Dès ce moment, la route suivie par l’humanité était la vraie route, et ses opérations sont justifiées. Un moment le socialisme, s’exprimant par la bouche de l’Église, s’insurgea contre l’esprit économique, et parut vouloir arrêter la marche des sociétés en proscrivant le prêt à intérêt. C’était comme une négation de la providence par la providence même ; une protestation de la conscience universelle, devenue chrétienne, contre la raison universelle, qui persistait à agir en païenne. Le socialisme, qui fut toujours le fonds de la catholicité, pressentait dès lors que même avec une organisation parfaite du crédit, l’humanité ne serait pas plus avancée qu’avec la pleine concurrence ; que la misère et l’opulence en seraient seulement, chacune de son côté, accrues ; et il réclamait une loi plus complète, moins égoïste, et surtout moins illusoire. Malheureusement, à l’époque où Rome et les conciles, poussés par un faux esprit de popularité, sévissaient contre le capital et prohibaient l’intérêt, la liberté était à conquérir ; et comme cette conquête ne pouvait s’accomplir que par la propriété, et conséquemment