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le moyen de poursuivre avec conscience et certitude l’œuvre instinctive et tourmentée de notre organisation. D’ailleurs, il est temps que notre nation renonce aux petitesses de sa littérature dégénérée, aux bavardages d’une tribune corrompue et d’une presse vénale, si elle veut échapper à la déchéance politique qui déjà la menace, et que depuis seize ans on travaille à lui faire accepter avec un si déplorable succès.

Le papier de banque ayant derrière lui son gage, c’est-à-dire le numéraire qu’il représente, n’est point encore une fiction ; c’est tout simplement une abstraction, c’est-à-dire une vérité détachée du fait ou de la matière qui la réalise et la concrète, et dont l’existence forme la garantie du billet. Dans cet élal, le papier de banque est un suppléant heureux et commode de la monnaie, mais il ne la multiplie pas. Or, telle est la faculté qu’il va désormais acquérir, par une combinaison de la lettre de change et de la reconnaissance de dépôt.

Puisque la lettre de change est reçue en payement comme la monnaie, en d’autres termes, puisqu’elle peut être échangée contre toute espèce de produits, elle peut aussi s’échanger contre de l’argent : de là la banque de circulation, c’est-à-dire le métier d’escompteur, sous bénéfice de commission, du papier de commerce.

Le négociant qui a fait argent de son papier se trouve donc avoir en disponibilité le capital qui, sans cette opération, serait demeuré pour lui un capital dormant, et conséquemment improductif. Avec le montant de sa lettre de change, il produit de nouvelles valeurs, il acquiert des services, paye des salaires, solde des marchandises. Rapidité dans la production, augmentation de produit, multiplication du capital, telles sont les conséquences de l’escompte.

Mais, à l’exemple de l’industriel, le banquier, dont tout l’art consiste à échanger des écus contre du papier, puis du papier contre des écus, le banquier peut s’obliger lui-même par lettre de change, et fournir du papier sur sa propre maison, c’est-à-dire créer des bons, soit nominatifs, soit au porteur, et remboursables par lui à présentation. En effet, un banquier, dont le fonds de commerce serait d’un million, après avoir échangé ce million contre du papier à échéance moyenne de quarante jours, peut se trouver au bout de trois semaines sans un centime dans sa caisse, et par conséquent dans l’impuissance matérielle de faire de nou-