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causes particulières, et se manifestant sous une variété innombrable de formes. C’est le travail, le travail seul, qui produit tous les éléments de la richesse, et qui les combine jusque dans leurs dernières molécules selon une loi de proportionnalité variable, mais certaine. C’est le travail enfin qui, comme principe de vie, agite, mens agitat, la matière, molem, de la richesse, et qui la proportionne.

La société, ou l’homme collectif, produit une infinité d’objets dont la jouissance constitue son bien-être. Ce bien-être se développe non-seulement en raison de la quantité des produits, mais aussi en raison de leur variété (qualité) et proportion. De cette donnée fondamentale il suit que la société doit toujours, à chaque instant de sa vie, chercher dans ses produits une proportion telle, que la plus forte somme de bien-être s’y rencontre, eu égard à la puissance et aux moyens de production. Abondance, variété et proportion dans les produits, sont les trois termes qui constituent la richesse : la richesse, objet de l’économie sociale, est soumise aux mêmes conditions d’existence que le beau, objet de l’art ; la vertu, objet de la morale ; le vrai, objet de la métaphysique.

Mais comment s’établit cette proportion merveilleuse et si nécessaire, que sans elle une partie du labeur humain est perdue, c’est-à-dire inutile, inharmonique, invraie, par conséquent synonyme d’indigence, de néant ?

Prométhée, selon la fable, est le symbole de l’activité humaine. Prométhée dérobe le feu du ciel, et invente les premiers arts ; Prométhée prévoit l’avenir et veut s’égaler à Jupiter ; Prométhée est Dieu. Appelons donc la société Prométhée.

Prométhée donne au travail, en moyenne, dix heures par jour, sept au repos, autant au plaisir. Pour tirer de ses exercices le fruit le plus utile, Prométhée tient note de la peine et du temps que chaque objet de sa consommation lui coûte. Rien que l’expérience ne peut l’en instruire, et cette expérience sera de toute sa vie. Tout en travaillant et produisant, Prométhée éprouve donc une infinité de mécomptes. Mais, en dernier résultat, plus il travaille, plus son bien-être se raffine et son luxe s’idéalise ; plus il étend ses con-