premiers siècles de l’ère chrétienne, par une inconséquence singulière, mais qui provenait de la pauvreté des notions économiques de leur temps, admettaient le fermage et condamnaient l’intérêt de l’argent, parce que, selon eux, l’argent était improductif. Ils distinguaient en conséquence le prêt des choses qui se consomment par l’usage, au nombre desquelles ils mettaient l’argent, et le prêt des choses qui, sans se consommer, profitent à l’usager par leur produit.
Les économistes n’eurent pas de peine à montrer, en généralisant la notion du loyer, que dans l’économie de la société l’action du capital ou sa productivité était la même, soit qu’il se consommât en salaires, soit qu’il conservât le rôle d’instrument ; qu’en conséquence il fallait ou proscrire le fermage de la terre, ou admettre l’intérêt de l’argent, puisque l’un et l’autre étaient au même titre la récompense du privilège, l’indemnité du prêt. Il fallut plus de quinze siècles pour faire passer cette idée, et rassurer les consciences qu’effrayaient les anathèmes du catholicisme contre l’usure. Mais enfin l’évidence et le vœu général étaient pour les usuriers ; ils gagnèrent la bataille contre le socialisme, et des avantages immenses, incontestables, résultèrent pour la société de cette espèce de légitimation de l’usure. Dans cette circonstance, le socialisme, qui avait tenté de généraliser la loi que Moïse n’avait faite que pour les seuls Israélites, Non fœneraberis proximo tuo, sed alieno, fut battu par une idée qu’il avait acceptée de la routine économique, à savoir le fermage, élevé jusqu’à la théorie de la productivité du capital.
Mais les économistes à leur tour furent moins heureux, lorsque plus tard on les somma de justifier le fermage en lui-même, et d’établir cette théorie du rendement des capitaux. On peut dire que, sur ce point, ils ont perdu tout l’avantage qu’ils avaient d’abord obtenu contre le socialisme.
Sans doute, et je suis le premier à le reconnaître, le loyer de la terre, de même que celui de l’argent et de toute valeur mobilière et immobilière, est un fait spontané, universel, qui a sa source au plus profond de notre nature, et qui devient bientôt, par son développement normal, l’un des ressorts les plus puissants de l’organisation. Je prouverai même