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effet, comme si on leur eût reproché d’ignorer la première chose qu’ils dussent connaître, le travail. Ils ont donc répliqué à la provocation de leurs adversaires, d’abord en soutenant que le travail est organisé, qu’il n’y a pas d’autre organisation du travail que la liberté de produire et de faire des échanges, soit pour son compte personnel, soit en société avec d’autres, auquel cas la marche à suivre a été prévue par les codes civil et de commerce. Puis, comme cette argumentation ne servait qu’à prêter à rire aux adversaires, ils ont saisi l’offensive, et, faisait voir que les socialistes n’entendaient rien eux-mêmes à cette organisation qu’ils agitaient comme un épouvantail, ils ont fini par dire que ce n’était qu’une nouvelle chimère du socialisme, un mot vide de sens, une absurdité. Les écrits les plus récents des économistes sont pleins de ces jugements impitoyables.

Cependant il est certain que les mots organisation du travail présentent un sens aussi clair et aussi rationnel que ceux-ci : organisation de l’atelier, organisation de l’armée, organisation de la police, organisation de la charité, organisation de la guerre. À cet égard, la polémique des économistes s’est empreinte d’une déplorable déraison. — Il n’est pas moins sûr que l’organisation du travail ne peut être une utopie et une chimère : car, du moment que le travail, condition suprême de la civilisation, existe, il s’ensuit qu’il est déjà soumis à une organisation telle quelle, qu’il est permis aux économistes de trouver bonne, mais que les socialistes jugent détestable.

Resterait donc, relativement à la proposition d’organiser le travail, formulée par le socialisme, cette fin de non-recevoir, que le travail est organisé. Or, c’est ce qui est pleinement insoutenable, puisqu’il est notoire que dans le travail, l’offre, la demande, la division, la qualité, les proportions, le prix et la garantie, rien, absolument rien n’est régularisé ; tout, au contraire, est livré aux caprices du libre arbitre, c’est-à-dire du hasard.

Quant à nous, guidés par l’idée que nous nous sommes faite de la science sociale, nous affirmerons, contre les socialistes et contre les économistes, non pas qu’il faut organiser le travail, ni qu’il est organisé, mais qu’il s’organise.