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dans une autre contradiction ; c’est par la providence que Dieu a été véritablement fait à l’image de l’homme ; ôtez cette providence, Dieu cesse d’être homme, et l’homme à son tour doit abandonner toute prétention à la divinité.

On demandera peut-être à quoi sert à Dieu d’avoir la science infinie, s’il ignore ce qui se passe dans l’humanité.

Distinguons. Dieu a la perception de l’ordre, le sentiment du bien. Mais cet ordre, ce bien, il le voit comme éternel et absolu, il ne le voit pas dans ce qu’il offre de successif et d’imparfait ; il n’en saisit pas les défauts. Nous seuls sommes capables de voir, de sentir et d’apprécier le mal, comme de mesurer la durée ; parce que nous seuls sommes capables de produire le mal, et que notre vie est temporaire. Dieu ne voit, ne sent que l’ordre ; Dieu ne saisit pas ce qui arrive, parce que ce qui arrive est au-dessous de lui, au-dessous de son horizon. Nous, au contraire, nous voyons à la fois le bien et le mal, le temporel et l’éternel, l’ordre et le désordre, le fini et l’infini ; nous voyons en nous et hors de nous ; et notre raison, parce qu’elle est finie, dépasse notre horizon.

Ainsi, par la création de l’homme et le développement de la société, une raison finie et providentielle, la nôtre, a été posée contradictoirement à la raison intuitive et infinie, Dieu ; en sorte que Dieu, sans rien perdre de son infinité en tout sens, semble, par le seul fait de l’existence de l’humanité, amoindri. La raison progressive résultant de la projection des idées éternelles sur le plan mobile et incliné du temps, l’homme peut entendre la langue de Dieu, parce qu’il vient de Dieu, et que sa raison est au début semblable à celle de Dieu ; mais Dieu ne peut nous entendre, ni venir jusqu’à nous, parce qu’il est infini, et qu’il ne peut revêtir les attributs du fini, sans cesser d’être Dieu, sans se détruire. Le dogme de la providence en Dieu est démontré faux, en fait et en droit.

Il est facile à présent de voir comment la même argumentation se retourne contre le système de la déification de l’homme.

L’homme posant fatalement Dieu comme absolu et infini dans ses attributs, tandis qu’il se développe lui-même en sens inverse de cet idéal, il y a désaccord entre le progrès de