sa glose. Qu’a-t-elle donc vu de si profond dans cette thèse épicurienne ?
« C’est, nous dit-elle, que le goût du luxe et des jouissances, l’amour singulier qu’en éprouve le plus grand nombre, la tendance des âmes et des intelligences à s’en préoccuper exclusivement, l’accord des particuliers et de l’État pour en faire le mobile et le but de tous leurs projets, de tous leurs efforts et de tous leurs sacrifices, engendrent des sentiments généraux ou individuels qui, bienfaisants ou nuisibles, deviennent des principes d’action plus puissants peut-être que ceux qui en d’autres temps ont dominé les hommes. »
Jamais plus belle occasion ne s’était offerte à des moralistes d’accuser le sensualisme du siècle, la vénalité des consciences, et la corruption érigée en moyen de gouvernement : au lieu de cela, que fait l’Académie des sciences morales ? Avec le calme le plus automatique, elle institue une série où le luxe, si longtemps proscrit par les stoïciens et les ascètes, ces maîtres en sainteté, doit apparaître à son tour comme un principe de conduite aussi légitime, aussi pur et aussi grand que tous ceux invoqués jadis par la religion et la philosophie. Déterminez, nous dit-elle, les mobiles d’action (sans doute vieux maintenant et usés) auxquels succède providentiellement dans l’histoire la volupté, et, d’après les résultats des premiers, calculez les effets de celle-ci. Prouvez, en un mot, qu’Aristippe n’a fait que devancer son siècle, et que sa morale devait avoir son triomphe, aussi bien que celle de Zénon et d’Akempis.
Donc, nous avons affaire à une société qui ne veut plus être pauvre, qui se moque de tout ce qui lui fut autrefois cher et sacré, la liberté, la religion et la gloire, tant qu’elle n’a pas la richesse ; qui, pour l’obtenir, subit tous les affronts, se rend complice de toutes les lâchetés : et cette soif ardente de plaisir, cette volonté irrésistible d’arriver au luxe, symptôme d’une nouvelle période dans la civilisation, est le commandement suprême en vertu duquel nous devons travailler à l’expulsion de la misère : ainsi dit l’Académie.