surhumaine. Ce qui a fait croire à la Providence, c’est cette nécessité même, qui est comme le fonds et l’essence de l’humanité collective. Mais cette nécessité, toute systématique et progressive qu’elle apparaisse, ne constitue pas pour cela, ni dans l’humanité ni en Dieu, une providence ; il suffit, pour s’en convaincre, de se rappeler les oscillations sans fin, et les tâtonnements douloureux par lesquels l’ordre social se manifeste.
2o D’autres argumentateurs viennent à la traverse, et s’écrient : À quoi bon ces recherches abstruses ? Il n’y a pas plus d’intelligence infinie que de Providence ; il n’y a ni moi ni volonté dans l’univers, hormis l’homme. Tout ce qui arrive, en mal comme en bien, arrive nécessairement. Un ensemble irrésistible de causes et d’effets embrasse l’homme et la nature dans la même fatalité ; et ce que nous appelons en nous-mêmes conscience, volonté, jugement, etc., ne sont que des accidents particuliers du tout éternel, immuable et fatal.
Cet argument est l’inverse du précédent. Il consiste à substituer à l’idée d’un auteur tout puissant et tout sage celle d’une coordination nécessaire et éternelle, mais inconsciente et aveugle. Cette opposition nous fait déjà pressentir que la dialectique des matérialistes n’est pas plus solide que celle des croyants.
Qui dit nécessité ou fatalité, dit ordre absolu et inviolable ; qui dit au contraire perturbation et désordre, affirme tout ce qu’il y a de plus répugnant à la fatalité. Or, il y a du désordre dans le monde, désordre produit par l’essor de forces spontanées qu’aucune puissance n’enchaîne : comment cela peut-il être, si tout est fatal ?
Mais qui ne voit que cette vieille querelle du théisme et du matérialisme procède d’une fausse notion de la liberté et de la fatalité, deux termes qu’on a considérés comme contradictoires, tandis qu’ils ne le sont réellement pas ! Si l’homme est libre, ont dit les uns, Dieu, à plus forte raison, est libre aussi, et la fatalité n’est qu’un mot ; — si tout est enchaîné dans la nature, ont repris les autres, il n’y a ni liberté, ni Providence : et chacun d’argumenter à perte de vue dans la direction qu’il avait prise, sans pouvoir jamais comprendre que cette prétendue opposition de la liberté et de la fatalité