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bigots, aient cru servir la religion et la morale, en dénaturant notre espèce et faisant mentir l’anatomie.

Il ne s’agit donc plus que de savoir s’il dépend de l’homme, nonobstant les contradictions que multiplie autour de lui l’émission progressive de ses idées, de donner plus ou moins d’essor aux virtualités placées sous son empire, ou, comme disent les moralistes, à ses passions ; en d’autres termes si, comme l’Hercule antique, il peut vaincre l’animalité qui l’obsède, la légion infernale, qui semble toujours prête à le dévorer.

Or, le consentement universel des peuples atteste, et nous avons constaté aux chapitres III et IV, que l’homme, abstraction faite de toutes ses instigations animales, se résume en intelligence et liberté, c’est-à-dire, d’abord en une faculté d’appréciation et de choix, plus en une puissance d’action indifféremment applicable au bien et au mal. Nous avons constaté en outre que ces deux facultés, qui exercent l’une sur l’autre une influence nécessaire, étaient susceptibles d’un développement, d’une perfectibilité indéfinie.

La destinée sociale, le mot de l’énigme humaine, se trouve donc dans ce mot : éducation, progrès.

L’éducation de la liberté, l’apprivoisement de nos instincts, l’affranchissement ou la rédemption de notre âme, voilà donc, comme l’a prouvé Lessing, le sens du mystère chrétien. Cette éducation sera de toute notre vie et de toute la vie de l’humanité : les contradictions de l’économie politique peuvent être résolues ; la contradiction intime de notre être ne le sera jamais. Voilà pourquoi les grands instituteurs de l’humanité, Moïse, Boudda, Jésus-Christ, Zoroastre, furent tous des apôtres de l’expiation, des symboles vivants de la pénitence. L’homme est, de sa nature, pécheur, c’est-à-dire, non pas essentiellement malfaisant, mais plutôt malfait, et sa destinée est de recréer perpétuellement en lui-même son idéal. C’est ce que sentait profondément le plus grand des peintres, Raphaël, lorsqu’il disait que l’art consiste à rendre les choses, non point comme les a faites la nature, mais comme elle aurait dû les faire.

C’est donc à nous désormais à enseigner les théologiens, car nous seuls continuons la tradition de l’Église, nous seuls