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nous que la vérité, sinon le progrès incessant de notre esprit de la poésie à la prose ?

Et d’abord cherchons si cette idée au moins singulière, d’une prévarication originelle, n’aurait pas quelque part dans la théologie chrétienne, sa corrélative. Car l’idée vraie, l’idée générique, ne peut résulter d’une conception isolée ; il faut une série.

Le christianisme, après avoir posé comme premier terme le dogme de la chute, a poursuivi sa pensée en affirmant, pour tous ceux qui mouraient dans cet état de souillure, une séparation irrévocable d’avec Dieu, une éternité de supplice. Puis il a comploté sa théorie en conciliant ces deux oppositions par le dogme de la réhabilitation ou de la grâce, d’après lequel toute créature née dans la haine de Dieu, est réconciliée par les mérites de Jésus-Christ, que la foi et la pénitence rendent efficaces. Ainsi, corruption essentielle de notre nature, et perpétuité du châtiment, sauf le rachat par la participation volontaire au sacrifice du Christ : telle est en somme l’évolution de l’idée théologique. La seconde affirmation est une conséquence de la première ; la troisième est une négation et une transformation des deux autres : en effet, un vice de constitution étant nécessairement indestructible, l’expiation qu’il entraîne est éternelle comme lui, à moins qu’une puissance supérieure ne vienne, par une rénovation intégrale, rompre le sort, et faire cesser l’anathème.

L’esprit humain, dans ses fantaisies religieuses, comme dans ses théories les plus positives, n’a toujours qu’une méthode :la même métaphysique a produit les mystères chrétiens et les contradictions de l’économie politique ; la foi, sans qu’elle le sache, relève de la raison ; et nous, explorateurs des manifestations divines et humaines, nous avons droit, au nom de la raison, de vérifier les hypothèses de la théologie.

Qu’est-ce donc que la raison universelle, formulée en dogmes religieux, a vu dans la nature humaine, lorsque, par une construction métaphysique si régulière, elle a affirmé tour à tour l’ingénuité du délit, l’éternité de la peine, la nécessité de la grâce ? Les voiles de la théologie commencent