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presse. Il sait trouver des arguments et des avocats pour tous les mensonges, toutes les iniquités. Lui seul ne s’est jamais fait illusion sur la valeur des partis politiques : il les juge tous également exploitables, c’est-à-dire également absurdes.

Sans respect pour ses opinions avouées, qu’il quitte et reprend tour à tour ; poursuivant aigrement chez les autres les infidélités dont il se rend coupable, il ment dans ses réclamations, il ment dans ses renseignements, il ment dans ses inventaires ; il exagère, il atténue, il surfait ; il se regarde comme le centre du monde, et tout, hors de lui, n’a qu’une existence, une valeur, une vérité relative. Subtil et retors dans ses transactions, il stipule, il réserve, tremblant toujours de dire trop et de ne pas dire assez ; abusant des mots avec les simples, généralisant pour ne pas se compromettre, spécifiant afin de ne rien accorder, il tourne trois fois sur lui-même, et pense sept fois sous son menton avant de dire son dernier mot. Enfin a-t-il conclu ? il se relit, il s’interprète, se commente ; il se donne la torture pour trouver dans chaque particule de son acte un sens profond, et dans les phrases les plus claires l’opposé de ce qu’elles disent.

Quel art infini, que d’hypocrisie dans ses rapports avec le manouvrier ! Depuis le simple ménager jusqu’au gros entrepreneur, comme ils s’entendent à exploiter sa brasse ! comme ils savent faire disputer le travail, afin de l’obtenir à vil prix ! D’abord, c’est une espérance pour laquelle le maître reçoit une course ; puis c’est une promesse qu’il escompte par une corvée ; puis une mise à l’essai, un sacrifice, car il n’a besoin de personne, que le malheureux devra reconnaître en se contentant du plus vil salaire ; ce sont des exigences et des surcharges sans fin, récompensées par les règlements de compte les plus spoliateurs et les plus faux. Et il faut que l’ouvrier se taise et s’incline, qu’il serre le poing sous sa blouse : car le patron tient la besogne, et trop heureux qui peut obtenir la faveur de ses escroqueries. Et cette odieuse pressuration, si spontanée, si naïve, si dégagée de toute impulsion supérieure, parce que la société n’a pas encore trouvé moyen de l’empêcher, de la réprimer, de la punir, on l’attribue à la contrainte sociale ! Quelle déraison !