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dresse de cœur, à l’ignorance des lois objectives du juste et de l’injuste ! Au lieu de cela, le commerce est devenu partout, d’un effort spontané et d’un consentement unanime, une opération aléatoire, un contrat à la grosse, une loterie, souvent une spéculation de surprise et de dol.

Qu’est-ce qui oblige le détenteur des subsistances, le garde-magasin de la société, à simuler une disette, à sonner l’alarme et provoquer la hausse ? L’imprévoyance publique livre le consommateur à sa merci ; quelque changement de température lui fournit un prétexte ; la perspective assurée du gain achève de le corrompre, et la peur, habilement répandue, jette la population dans ses filets. Certes, le mobile qui fait agir l’escroc, le voleur, l’assassin, ces natures faussées, dit-on, par l’ordre social, est le même qui anime l’accapareur hors du besoin. Comment donc cette passion du gain, livrée à elle-même, tourne-t-elle au préjudice de la société ? Comment une loi préventive, répressive et coërcitive, a-t-elle dû sans cesse imposer une limite à la liberté ? Car c’est là le fait accusateur, et qu’il est impossible de nier : partout la loi est sortie de l’abus ; partout le législateur s’est vu forcé de mettre l’homme dans l’impuissance de nuire, ce qui est synonyme de museler un lion, d’infibuler un verrat. Et le socialisme, toujours en imitation du passé, ne prétend pas lui-même autre chose : qu’est-ce, en effet, que l’organisation qu’il réclame, sinon une garantie plus forte de la justice, une limitation plus complète de la liberté ?

Le trait caractéristique du commerçant est de se faire de toute chose soit un objet, soit un instrument de trafic. Désassocié d’avec ses semblables, insolidaire envers tous, il est pour et contre tous les faits, toutes les opinions, tous les partis. Une découverte, une science, est à ses yeux une machine de guerre contre laquelle il se gare, et qu’il voudrait anéantir, à moins qu’il ne puisse s’en servir lui-même pour tuer ses concurrents. Un artiste, un savant, c’est un artilleur qui sait manœuvrer la pièce, et qu’il s’efforce de corrompre, s’il ne peut l’acquérir. Le commerçant est convaincu que la logique est l’art de prouver à volonté le vrai et le faux ; c’est lui qui a inventé la vénalité politique, le trafic des consciences, la prostitution des talents, la corruption de la