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Maintenant, que l’homme sacrifie à des jouissances luxueuses et anticipées son bien-être personnel, peut-être ne l’accuserai-je que d’imprudence ; mais quand il prend le bien-être de son prochain, bien-être qui devait lui rester inviolable, et pour motif de charité et pour cause de justice, je dis qu’alors l’homme est méchant, méchant sans excuse.

Lorsque Dieu, selon Bossuet, forma les entrailles de l’homme, il y mit premièrement la bonté. Ainsi, l’amour est notre première loi : les prescripts de la raison pure, de même que les instigations de la sensibilité, ne viennent qu’en deuxième et troisième ordre. Telle est la hiérarchie de nos facultés : un principe d’amour formant le fonds de notre conscience, et servi par une intelligence et des organes. Donc, de deux choses l’une : ou l’homme qui viole la charité pour obéir à sa cupidité est coupable ; ou bien, si cette psychologie est fausse, et qu’en l’homme le besoin de luxe doive marcher l’égal de la charité et de la raison, l’homme est un animal désordonné, foncièrement méchant, et le plus exécrable des êtres.

Ainsi, les contradictions organiques de la société ne peuvent couvrir la responsabilité de l’homme ; vues en elles-mêmes,ces contradictions ne sont d’ailleurs que la théorie du régime hiérarchique, forme première, par conséquent forme irréprochable de la société. Par l’antinomie de leur développement, le travail et le capital étaient sans cesse ramenés à l’égalité en même temps qu’à la subordination, à la solidarité aussi bien qu’à la dépendance : l’un était l’agent, l’autre le provocateur et le gardien de la richesse commune. Cette indication avait été confusément aperçue par les théoriciens du système féodal ; le christianisme s’était rencontré à point pour cimenter le pacte ; et c’est encore le sentiment de cette organisation méconnue et faussée, mais de soi innocente et légitime, qui cause parmi nous les regrets et soutient l’espérance d’un parti. Comme ce système était dans les prévisions du destin, on ne peut dire qu’il fut mauvais en soi, de même que l’on ne peut appeler mauvais l’état embryonnaire, parce que dans le développement physiologique il précède l’âge adulte.

J’insiste donc sur mon accusation :