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sion sociale par la police. Ce n’est pas seulement le nombre des coupables reconnus qu’il s’agit de déterminer, c’est celui des délits. Le travail des tribunaux criminels n’est qu’un mécanisme particulier qui sert à mettre en relief la destruction morale de l’humanité sous le régime du monopole ; mais cette exhibition officielle est loin d’embrasser le mal dans toute son étendue. Voici d’autres chiffres, qui pourront nous conduire à une approximation plus certaine.

Les tribunaux correctionnels de Paris ont jugé :

En 1835     106,467 affaires.
En 1836 128,489
En 1837 140,247

Supposons que la progression ait continué jusqu’en 1846, et qu’à ce total d’affaires correctionnelles on ajoute celles de cours d’assises, de simple police, et tous les délits non connus ou laissés impunis, délits dont la quantité dépasse, au dire des magistrats, de beaucoup le nombre de ceux que la justice atteint, on arrivera à cette conclusion qu’il se commet en un an, dans la ville de Paris, plus d’infractions à la loi qu’il ne s’y trouve d’habitants. Et comme, parmi les auteurs présumés de ces infractions, il faut nécessairement déduire les enfants de 7 ans et au-dessous, qui sont hors des limites de la culpabilité, on devra compter que chaque citoyen adulte est, trois ou quatre fois en un an, coupable envers l’ordre établi.

Ainsi, le système propriétaire ne se soutient, à Paris, que par une consommation annuelle d’un ou deux millions de délits ! Or, quand tous ces délits seraient le fait d’un seul homme, l’argument subsisterait toujours : cet homme serait le bouc émissaire chargé des péchés d’Israël : qu’importe le nombre des coupables, dès lors que la justice a son contingent ?

La violence, le parjure, le vol, l’escroquerie, le mépris des personnes et de la société sont tellement de l’essence du monopole ; ils en découlent d’une manière si naturelle, avec une régularité si parfaite, et selon des lois si sûres, qu’on a pu en soumettre la perpétration au calcul, et que, le chiffre d’une population, l’état de son industrie et de ses lumières